Fête de Sainte Rafqa 22 mars 2014

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Samedi 22 mars 2014

17h30,  je suis au couvent de Saint Joseph de Jrabta pour célébrer la Messe de la veille de la fête de Sainte Rafqa, ma patronne, à l’occasion de l’inauguration des célébrations du premier centenaire de sa mort (1914-2014). Je suis naturellement très ému, car ma maison paternelle est juste en face de ce couvent où j’ai passé des jours et des jours de mon enfance auprès de mes tantes religieuses. C’est là où j’ai découvert la grandeur du pardon chrétien en apprenant à pardonner à celui qui a assassiné mes parents la veille de la fête de l’exaltation de la Sainte Croix. C’est là où j’ai découvert ma vocation. C’est là où j’ai offert au Seigneur mon ministère presbytéral sous le signe de l’amour et du pardon. C’est là où j’ai offert, il y a deux ans, mon ministère épiscopal sous le signe du service dans la charité.  

Dans mon homélie, j’ai essayé de lire la volonté de Dieu dans la vie de sainte Rafqa baptisée « apôtre de la souffrance » pour avoir demandé de porter la croix avec Jésus.

 

« Puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire » (Rm. 8 :17).

 

« En cette nuit du 23 mars 1914, sœur Rafqa passait de ce monde à la gloire de la vie éternelle. Après avoir reçu le sacrement de l’onction des malades, elle passa sa nuit dans la prière. Et à l’aube, elle demanda de communier disant : laissez-moi prendre ma provision de dernier voyage. Elle communia en croyant que l’hostie qu’elle venait de prendre était le Pain de Vie. Elle fit son dernier voyage au monde de la sainteté et elle entra dans le Royaume du Père.

 

Nous voici aujourd’hui réunis, au couvent où vécut et se sanctifia Sainte Rafqa, pour entrer dans les célébrations du premier centenaire de sa mort, et nous sommes déjà en démarche synodale pour notre diocèse de Batroun. Nous écoutons le Christ nous appeler, comme il avait appelé Rafqa et tant d’autres, à porter la croix et à ‘ prendre part à ses souffrances pour avoir part à sa gloire’. Et ‘ Celui qui ne se charge pas de sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi’ (Mt. 10 :38).

 

Pierrette-Rafqa vécut ses quatre-vingt-et-un ans (1832-1914) portant la croix du Christ. A l’âge de sept ans, elle perdit sa mère. A dix ans, elle dut travailler à Damas dans la maison d’un ami de la famille. A vingt ans, elle décida de se faire religieuse dans la congrégation des Mariamettes, fondée par les Pères jésuites, à Bikfaya ; et s’engagea dans une mission d’enseignement et d’éducation auprès des générations libanaises, séminaristes et laïcs, avec tant d’amour et de dévouement.

 

Elle a été d’abord six ans à Ghazir, au Séminaire oriental, où il y avait Elias Hoyek, futur patriarche. En 1860, elle passa à Deir El Kamar où elle fut témoin de la guerre sanglante et des massacres de milliers de Maronites, et elle eut le mérite de sauver tant d’enfants et de les éduquer au pardon et à la réconciliation.

 

En 1862, elle passa à Jbayl ; puis en 1864 à Maad.

 

L’année 1871 fut cruciale pour elle. Sa congrégation fut dissoute ; elle choisit d’entrer chez les Moniales libanaises à Aytou. Et, au moment de prononcer ses vœux perpétuels, elle prit le prénom de Rafqa, qui était celui de sa mère. Elle s’abandonna à une vie de prière, de jeûne, de sacrifice et de travail de la terre. Ce sont les éléments de notre spiritualité érémitique syro-antiochienne maronite fondée par notre Père Saint Maroun. Mais elle visa plus loin encore en désirant de prendre part aux souffrances du Christ pour mériter de prendre part à sa gloire. Le dimanche du Rosaire de 1885, alors qu’elle était en prière à l’église, elle s’adressa à Jésus par ces mots : Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonnée ? Mon Dieu pourquoi es-tu loin de moi ? Pourquoi tu ne me visites pas et tu ne daigne de me procurer une maladie à travers laquelle je puis expier tous mes péchés et ceux des autres et te montrer tout mon amour ?

 

Le Seigneur exauça sa prière et lui procura le ‘cadeau’ de la souffrance. Et elle commença à sentir des douleurs à la tête qui ne tardèrent pas à atteindre les yeux. Elle commença ainsi son chemin de croix qui devra durer trente ans.

 

En 1897, elle vint ici à Jrabta avec cinq religieuses fonder un couvent tant désiré par les habitants de la région. Deux ans après, elle perdit complètement la vue et elle devint paralysée incapable de se déplacer.

 

Rafqa comprit que les souffrances du Christ ne peuvent être perçues que dans l’amour ; cet amour qui le porta jusqu’à la croix pour sauver l’humanité. C’est pourquoi elle ne choisit de la vie de Jésus que la croix, ne voulant prêcher, avec Saint Paul, qu’un ‘messie crucifié’ (1 Cor 1 :23) et ‘ne voulant rien savoir sinon Jésus Christ et Jésus Christ crucifié’ (1 Cor 2 :2). C’est pourquoi elle aima la souffrance et l’accepta avec patience et espérance remerciant Dieu pour son cadeau et répétant à tout moment : avec tes souffrances, Seigneur Jésus. Et ces souffrances ne les quittèrent qu’en quittant ce monde le 23 mars 1914. Après sa mort, Dieu opéra des prodiges et des miracles grâce à son intercession. Et la terre qui entourait sa tombe deviendra source de dons divins et de miracles. 

 

La Providence voulut qu’elle fut proclamée bienheureuse et apôtre de la souffrance ( le 17 novembre) 1985 – récurrence du premier centenaire du début de ses souffrances – par le Pape Jean-Paul II, qui sera proclamé saint (le 27 avril) 2014 – récurrence du premier centenaire de sa mort ! »

Après la Messe, A 20h30, j’ai présidé le rite de la bénédiction de la terre ; qui se termina par une procession aux flambeaux, à laquelle des centaines de fidèles ont pris part, jusqu’à la tombe de Sainte Rafqa. Tout le monde était impressionné par la qualité de silence et de piété. Nous n’avons terminé qu’à 22h10. Je suis rentré ensuite à Kfarhay en continuant ma prière.

A 23h15, les nouvelles des radios et télévisions nous informent que S. Exc. Mgr Semaan Atallah, archevêque de Baalbek-Deir El Ahmar (et mon double parrain à l’ordination presbytérale et à celle épiscopale), a échappé de justesse à une tentative de rapt. Il a failli avoir le même sort que les deux évêques d’Alep kidnappés depuis des mois et de qui nous n’avons toujours pas de nouvelles. J’ai pris tout de suite mon téléphone pour l’appeler et m’enquêter de son sort. Il m’a assuré qu’il se portait bien, qu’il restait ferme dans ses convictions chrétiennes et nationales et qu’il tenait à porter sa mission de père et de pasteur de tous les libanais de la Békaa, chrétiens et musulmans. 

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