Lettre de Noël 2012

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Lettre de Noël 2012

 

Très chers amis,

Quelques petites heures encore, et les cloches de Noël sonneront annonçant avec les Anges « la bonne nouvelle et la grande joie pour tout le peuple : il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur ».

 

1)La géographie et l’histoire – Témoins de la naissance du Fils de Dieu.  

Quel mystère inaccessible, devenu accessible par la naissance du Fils de Dieu  homme parmi les hommes dans une histoire et une géographie bien précises, mais impliquant le monde entier et toute l’humanité, et joignant le ciel à la terre pour chanter sa louange et sa gloire. La géographie et l’histoire, les personnes et les lieux, sont les témoins de sa naissance, Selon le récit de l’évangéliste Luc.

A commencer par l’Empereur César Auguste, qui fit paraître, de Rome, « le décret pour recenser le monde entier, à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie ». Joseph, qui était de « la famille et de la descendance de David, devait monter de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de Bethléem en Judée pour se faire recenser avec Marie son épouse ». Etrangers sur leur propre terre, ils ne trouvèrent guère de « places dans la salle d’hôtes », et Marie ne put accoucher de Jésus que dans « une mangeoire » ! Ce nouveau né, Jésus, « sera grand et sera appelé fils du Très Haut, Fils de Dieu » et sera « là pour la chute ou le relèvement de beaucoup en Israël ». Les premiers à annoncer cette nouvelle depuis le ciel sont les anges, et les premiers à l’annoncer sur terre sont les bergers. Et « Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur ». 

 

En 2012, peut-on célébrer la Nativité sans resituer l’événement salvifique dans la géographie et l’histoire ? Peut-on ne pas penser aux empereurs des Grandes puissances qui décrètent leurs édits depuis leurs capitales ? Aux gouverneurs de Syrie, de Palestine, de Jordanie et du Liban - la Syrie d’alors – d’Egypte, le lieu de refuge de Joseph et sa famille, qui exécutent ? Et les peuples qui payent le prix par des haines et des guerres interminables en devenant des étrangers sur leur propre terre, des extradés ou des réfugiés sur des terres qu’ils ne connaissent pas et où ils sont indésirables ?

C’est ainsi que va naître Jésus cette année au milieu de nos peuples qui marchent dans les ténèbres des haines, des vengeances, des massacres et des bombardements aveugles et qui ne demandent que la paix et la tranquillité. Il va naître au milieu des centaines de milliers qui fuient la guerre et errent partout à la recherche d’un abri pour leurs anciens et leurs enfants. Il va naître au milieu des centaines de nos familles qui vivent dans la pauvreté cachée et la misère.

 

2) Jésus naît dans notre Liban et dans notre diocèse de Batroun.

Jésus, « Roi de la Paix » et « Lumière de Dieu », va naître aussi au milieu d’événements porteurs d’espérance pour nos peuples, nos Eglises et nos pays. Nous sommes encore dans l’élan extraordinaire qui nous a été donné par la visite de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI le 14-16 septembre dernier et dans la marche de l’application de l’Exhortation apostolique « L’Eglise au Moyen-Orient – Communion et témoignage » qu’il nous a livrée comme feuille de route pour les années à venir. Nous sommes aussi dans l’Année de la Foi pour affermir notre foi en Dieu le Père qui nous a tant aimé jusqu’à envoyer son Fils pour nous sauver par sa mort et sa résurrection et nous confier son Esprit consolateur et illuminateur.   

Nous sommes dans le temps de l’Esprit.

Notre diocèse de Batroun, diocèse des saints et terre de sainteté, vit au rythme du don de Dieu et du service de la charité. J’avais établi avec les prêtres et les associations caritatives de mon diocèse un plan d’urgence pour Noël qui consiste à vivre une proximité d’amour avec les pauvres et les démunis, et spécialement aussi les familles des Syriens réfugiés auprès de nous. Tout le monde s’y est engagé et ce fut une semaine bien chargée vécue dans la joie du don de soi pour les frères de Jésus qui ont tant besoin d’être aimés.   

24 décembre, 18h20, Je viens de terminer mes visites de la Charité commencées il y a huit jours. Les bienfaiteurs sont plus généreux cette année, mais la pauvreté est en augmentation.  Je ne pouvais, moi « serviteur de la charité » (c’est ma devise), que me consacrer pour ce ministère qui me fait imiter, sans mérite, Jésus Christ « Bon Pasteur ». 

J’étais auprès de familles qui vivent dans la discrétion, et dans la dignité, leur pauvreté. Je ne peux vous décrire avec quelle joie j’étais accueilli. Leurs seuls mots étaient: « Merci Seigneur ! Dieu soit loué ».  

J’ai visité les familles habituelles à Batroun, celles que je connais depuis des années et qui sont vraiment dans le grand besoin. Mais j’ai découvert de nouvelles familles dans les divers villages du diocèse ; et quelle découverte !

Voici un exemple qui me reste imprégné. Dans un petit village de la montagne, vit une famille pauvre de six enfants : le père, Hanna 90 ans, la maman Sylvie décédée il y a quinze ans, trois frères handicapés – Hani, Antoine et Milad (56, 54 et 44 ans) - tous atteints de sclérose et moitié paralysés ; l’aîné Youssef (57 ans) est décédé il y a quatre ans laissant une femme et deux enfants ; le benjamin, Boutros (42 ans) est marié et travaille à Beyrouth , chauffeur de taxi, et la sœur Jeannette (52 ans) qui est à la maison depuis la mort de la maman, ayant quitté son travail,  pour servir le père et les trois handicapés. En entrant chez eux sans m’annoncer au milieu d’un après-midi de pluie et de froid, je constate avec quelle joie et quelle dignité ils vivent leur pauvreté. Leur joie est indescriptible ! Je découvre Jésus dans leur visage. Le père me dit qu’il ne peut plus travailler la terre qu’il a tant aimée et pour laquelle il a tout sacrifié. La sœur s’affaire pour me servir le café, et les trois frères courent de tous côtés dans leurs chariots pour m’installer dans leur simple salon. Ils n’ont même pas de quoi payer les médicaments tous les mois !  

Ils sont la lumière de Noël ! Les frères de Jésus Christ né aussi pour eux. Ils sont la dignité de notre peuple !

Ou encore cette jeune famille de Youssef et Marlène qui ont eu trois jumeaux en 1998, atteints à l’âge de deux ans de tétraplégie : Boutros décédé en 2007, Charbel décédé en 2010, Joe qui est intact et pour qui nous prions incessamment. Ils ont eu,  en 2007, une fille, Margherita, qui n’a pas tardé à porter la maladie de ses deux frères décédés. Et pourtant, c’est une famille qui ne cesse de rendre grâce au Seigneur pour leur avoir donné la joie de fa    ire grandir des anges !

Je n’oublie pas aussi les quelques familles syriennes que nous logeons et qui nous ont été confiées par mon frère dans l’épiscopat Mgr Elias Sleiman, évêque de Lattaquié, ordonné avec moi le 25 févier dernier. Avec elles j’ai découvert le supplice que subit le peuple syrien et la joie d’être chrétien et témoin de l’amour, du pardon et de la dignité de l’homme.      

Et pour terminer, je ne peux que signaler ma visite pastorale, le 21 décembre, à Tannourine, la paroisse de mon diocèse la plus proche du ciel, 1450 m. d’altitude, toute vêtue de blanc, où j’avais passé la journée avec les fidèles « tenaces » qui n’ont pas quitté leurs maisons pour la ville. Hélas nos montagnes se vident, surtout l’hiver ! Je m’étais annoncé auparavant. Certains sont même venus du littoral pour être de la fête. L’accueil fut aussi grand que leur joie d’avoir avec eux leur évêque « Serviteur de la charité ». Un grand déjeuner m’attendait chez le député, M. Boutros Harb, menacé par ces temps de vengeance et d’attentats et vivant à l’écart, venu lui aussi avec sa famille, autour de la cheminée alors qu’il neigeait dehors. A 15h30, tout le monde s’est retrouvé à l’église de Notre-Dame de l’Assomption pour la Messe. Je lisais la joie sur les visages des enfants, des jeunes et des anciens. Tout le monde participait enthousiaste et chantait la Messe ; car les fils et filles de Tannourine sont connus pour avoir de très belles voix. Mon accueil et mon homélie n’ont pas manqué de rendre grâce au Seigneur et de les encourager à rester attachés à leur foi, à leur Eglise et à leur terre – les trois constantes historiques garantes de leur résistance et de leur présence digne et libre.

Après la Messe, à 17h00, il faisait déjà nuit et la neige continuait de tomber, nous sommes sortis allumer les lumières de Noël dans toute la ville préparées par la municipalité, alors que les cloches sonnaient et les applaudissements et les cris de joie retentissaient haut et loin. J’ai entendu dire : c’est la première fois depuis de longues années que nous nous sentons vraiment en fête, fête de la Nativité ! 

 

Quelle grâce, Seigneur, et quelle satisfaction de pouvoir découvrir, avec mon peuple, la Lumière de Noël au milieu de tant de ténèbres !

Quelle leçon d’espérance et de dignité, mais aussi de générosité et de solidarité, à retenir de ce Noël 2012 !

Très chers amis de partout, qui êtes à nos côtés depuis des années, je vous porte dans mes prières et dans ma Messe de Minuit, et je vous souhaite un joyeux Noël et une bonne et heureuse année 2013 que j’espère porteuse de paix et de liberté pour nos peuples et nos pays respectifs.

Christ Sauveur nous est né. Alléluia.

Père Mounir.