Installation Mgr Tarabay, Sydney – Australie
Vendredi 31 mai 2013
Dans l’après-midi, je me dirige vers l’aéroport de Beyrouth pour prendre l’avion pour l’Australie ; je dois en effet accompagner le nouvel évêque du diocèse de Saint Maroun - Sydney, Mgr Antoine Tarabay, pour présider son installation en tant que représentant de Sa Béatitude le patriarche Béchara Raï. A 16h10, notre avion de la Compagnie Al Etihad quitte Beyrouth en direction de Abou Dhabi puis Sydney ; dix-huit heures de vol !
Samedi 1er juin 2013
18h30, nous sommes à l’aéroport de Sydney où un accueil officiel et populaire attend le nouvel évêque. A la tête de ceux qui se sont donné la peine de venir jusqu’à l’aéroport se trouve S. Exc. Mgr Ad Abi Karam, l’évêque sortant qui attend avec impatience le jour où il devrait passer la main. Sa santé ne lui avait pas permis de venir au Liban pour l’ordination car cela lui ferait faire deux longs voyages à la suite. Une vraie « invasion » de Libanais et de Maronites ! Mgr Tarabay est en effet estimé par notre communauté maronite et libanaise de Sydney depuis son arrivée il y a dix ans pour être le recteur de la paroisse Saint Charbel et le directeur de son école. Après avoir salué la foule et pris des photos, nous nous dirigeons vers la ville de Sydney où nous sommes attendus à la cathédrale Saint Maroun pour une prière d’action de grâce. Une foule nombreuse, d’officiels et de fidèles, nous attendait depuis un moment car nous sommes arrivés en retard. Une liturgie spéciale pour l’occasion. Je préside la célébration en tant que représentant de Sa Béatitude. Après la prière d’action de grâce, S.Exc. Mgr Ad Abi Karam prononce un mot d’accueil du nouvel évêque « que la communauté maronite de Sydney connaît bien ». Il est suivi par Mgr Tarabay qui rend grâce à Dieu pour son élection par le Synode maronite et la nomination du Saint Père le Pape François. Il remercie également tous ceux qui sont venus l’accueillir en exprimant leur joie pour l’avoir comme évêque et pasteur.
Nous passons ensuite au salon pour saluer les fidèles, avant de rentrer à l’évêché pour avoir un repos bien mérité.
Dimanche 2 juin 2013
J’ai bien dormi ; je suis en forme ; Merci Seigneur.
A 11h00, alors que Mgr Tarabay prépare la grande célébration de demain, on me demande de présider la Messe en l’église Notre-Dame du Liban qui est le centre de la plus grande paroisse du diocèse ; elle compte plus de quarante mille maronites, presque tous originaires du Nord du Liban, et gardent fidèlement leurs traditions et leurs coutumes. Huit prêtres, dont quatre étaient mes étudiants au Séminaire de Ghazir ou à la Faculté Pontificale de Théologie de Kaslik, desservent la paroisse. Ils m’ont dit qu’ils arrivent à peine à accomplir leurs devoirs. Exemple : ils ont près de six cent baptêmes par an !
Je suis naturellement très content et satisfait de célébrer cette eucharistie et de pouvoir d’abord leur transmettre les meilleurs vœux de Sa Béatitude le patriarche Raï, et ensuite apprécier le rôle que joue et peut jouer notre Eglise maronite en Australie. Dans mon homélie, j’ai insisté sur les sacrifices consentis par les premières générations des émigrés libanais et maronites arrivés en Australie dès le début du XXème siècle qui ont collaboré au développement de ce nouveau pays sans pour autant oublier leur Liban ou leur Eglise maronite; ce qui a permis aux générations actuelles de réussir à relever le défi, à devenir de vrais citoyens australiens et à occuper même les premières places dans la politique, dans l’économie ou les affaires. Je leur ai rappelé ensuite qu’ils ont à maintenir vivantes dans leur vie et dans l’éducation de leurs enfants les trois constantes qui ont permis à leur Eglise et à leur peuple de résister aux vicissitudes des temps :
1-Leur foi en Jésus Christ Fils de Dieu né homme sur notre terre, mort et ressuscité pour sauver l’humanité ;
2- Leur attachement à leur Eglise maronite restée fidèle à sa foi par le témoignage de Saint Maroun, de ses disciples et de tous les saints qui ont suivi, gardant intacte leur foi selon son expression syro-antiochienne ;
3- Leur attachement au Liban, « Pays-Message », pour ce qui représente comme valeurs de liberté, de convivialité et de respect des diversités culturelles, confessionnelles et religieuses ; et pour ce qu’il représente pour eux comme Mère-patrie, comme lieu où se trouvent les sources spirituelles, les sanctuaires des saints et le siège du patriarcat où réside le patriarche, père et référant de tous les Maronites.
J’ai enfin conclu en disant : « N’ayez pas peur pour votre Eglise maronite ; elle est l’Eglise du Christ portant au monde une saveur particulière, celle de la spiritualité érémitique qui porte la croix avec espérance et courage. N’ayez pas peur pour le Liban ; il est la terre privilégiée de Dieu depuis les temps anciens et la terre des saints de tous temps. Continuez à porter donc à travers le monde entier la mission de votre Eglise et le message de votre Liban ».
Lundi 3 juin 2013
C’est le jour de la passation entre les deux évêques.
A 18h30, nous sommes au complet à la cathédrale saint Maroun de Sydney pour la célébration de passation entre Mgr Ad Abi Karam, troisième évêque du diocèse saint Maroun de Sydney et d’Australie, et son successeur Mgr Antoine Tarabay, au cours de l’Eucharistie présidée par ce dernier. Des centaines de fidèles maronites venus de toute l’Australie sont présents aux côtés d’un grand nombre de personnalités religieuses et civiles, dont : S.Exc. Mgr Paul Gallagher, Nonce apostolique en Australie et représentant le Saint Père le Pape François ; moi-même représentant Sa Béatitude le Patriarche Raï ; Le cardinal Georges Pell archevêque de Sydney ; S.Exc. Mgr Denis Hart archevêque de Melbourne et président de la Conférence des Evêques d’Australie ; les évêques orientaux catholiques et orthodoxes d’Australie, ainsi que des évêques latins. Le député Daryl Melham représentant la présidente du Conseil des ministres australien ; Dr Jean Daniel ambassadeur du Liban en Australie ; le député Greg Smith représentant le président du Conseil de l’Etat de New South Wells ; des députés australiens, dont un nombre d’origine libanaise, du gouvernement et de l’opposition.
A ajouter aussi une délégation venue du Liban pour nous accompagner et comprenant le Supérieur général de l’Ordre Libanais Maronite Abbé Tannous Nehmé, des religieux et des membres de la famille du nouvel évêque.
Après l’entrée des célébrants, Le Nonce apostolique lit la Bulle papale nommant Mgr Tarabay évêque de l’Eparchie de saint Maroun de Sydney.
Je lis ensuite la lettre de Sa Béatitude le patriarche Raï ; puis nous procédons, Mgr Abi Karam et moi-même, à l’installation du nouvel évêque selon la liturgie établie. Mgr Abi Karam prononce ensuite un mot dans lequel il présente un compte-rendu des onze années passées en Australie avec un mot d’ordre qui constituait sa devise : conserver la « Maronité » tout en se portant vers le nouveau monde avec ses besoins et ses exigences.
Dans son homélie, Mgr Tarabay rend grâce à Dieu pour l’avoir appelé au ministère épiscopal à la succession des Apôtres, et remercie Sa Sainteté le Pape François, Sa Béatitude le patriarche Raï, tous les évêques présents, ainsi que les officiels et les fidèles présents. Il revient ensuite à sa vocation monastique et aux années passées au sein de l’Ordre Libanais Maronite pour rendre grâce à Dieu pour les dons procurés. Ce qui l’a amené à choisir le monastère de Notre-Dame de Qannoubine pour sa retraite spirituelle précédant l’épiscopat pour souligner « le retour aux sources de l’Eglise maronite où nos pères ont répondu à l’appel à la sainteté à travers la vie ascétique de la prière ». Et il lance un appel aux Maronites d’Australie : « De la vallée sainte de Qadisha en Australie, cette vaste terre de liberté et d’opportunité, de diversité et d’harmonie, ouverte au dialogue, nous sommes appelés en permanence, chers Maronites, à vivre les valeurs de la Vallée de Qadisha, à apprécier et défendre notre Australie bien aimée, à respecter sa diversité et à contribuer socialement, politiquement et religieusement à construire cette nation ».
Après la Messe, nous sommes passés au fameux hôtel « Le Montage » pour une réception offerte pour l’occasion. On attendait mille personnes, on a pu compter près de deux mille qui sont passées toutes féliciter le nouvel évêque !
Mardi 4 juin 2013
Nous avons consacré la journée pour les démarches de passation entre les deux évêques que j’ai menées au nom de Sa Béatitude le patriarche Raï et dont j’ai pris le temps d’établir le rapport officiel que je dois consigner à Sa Béatitude dès mon retour au Liban.
Mercredi et jeudi 5 et 6 juin 2013
Ces deux journées étaient consacrées aux félicitations que Mgr Tarabay a reçues dans la salle paroissiale de Notre-Dame du Liban. Là aussi, nous avons vu passer beaucoup de monde. Et j’ai eu l’occasion de rencontrer les délégations de personnes originaires des villages de mon diocèse de Batroun, et d’échanger avec elles les nouvelles de leurs familles et de leurs paroisses d’origine ainsi que le projet pastoral sur lequel nous travaillons à Batroun.
J’ai pris aussi le temps de rencontrer certains prêtres du diocèse, avant de déjeuner ensemble le mercredi.
Je dois signaler enfin le dîner organisé en l’honneur de Mgr Tarabay, ce jeudi 6 juin à 20h00, par le « Rassemblement chrétien libano-australien » fondé il y a près de quarante ans. Le Comité directeur de ce rassemblement a voulu réunir en ce dîner toutes le forces vives libanaises en Australie - c'est-à-dire les associations, les partis, les groupes libanais de tous genres et de toutes confessions – pour ré-exprimer leur joie d’avoir Mgr Tarabay pour pasteur, remercier de nouveau Sa Béatitude le patriarche Raï et les évêques maronites pour leur choix et réaffirmer leur volonté de soutenir leur nouveau pasteur par tous les moyens dont ils disposent.
Il y avait près de six cent personnes ! Mais quelle soirée et quel enthousiasme !
L’Imam chiite, le Mufti sunnite, et le président du rassemblement ont pris la parole avant Mgr Tarabay qui a cueilli l’occasion pour redire sa satisfaction et sa joie d’avoir toutes les composantes du Liban autour de lui. Il a aussi rappelé que « nous avons la mission et le rôle de porter les valeurs du Liban dans ce nouveau pays qui représente aussi les valeurs de la liberté, de l’ouverture et du respect des diversités ».
Vendredi 7 juin 2013
Dans la matinée, je suis allé avec un ami du petit séminaire et de Batroun, Pierre Hoyek, visiter la maison de repos tenue par la Congrégation des Sœurs de la Sainte Famille Maronites et réputée pour son excellent service offert aux personnes âgées. J’ai été merveilleusement étonné par la mission qu’accomplissent nos sœurs ici en accord avec l’Eglise. Je dis bien « nos » sœurs car c’est une congrégation fondée en 1895 à Ibrine, dans le diocèse de Batroun, par le grand patriarche Elias Hoyek, lui-même originaire de Helta-Batroun et dont j’ai signé le décret de l’ouverture de la cause de sa béatification le 5 octobre dernier. J’ai ensuite visité l’école saint Maroun, puis l’école Notre-Dame du Liban qui sont toutes deux tenues par les Sœurs de la même congrégation.
J’ai été ensuite à déjeuner, avec Mgr Tarabay, chez M. Joseph Assaf, homme d’affaires reconnu en Australie et engagé dans l’Eglise, originaire de Hardine.
A 18h00, j’accompagne Mgr Tarabay dans son « fief » de Saint Charbel. C’est là où il a passé dix ans à diriger la paroisse saint Charbel et l’école qui lui est adjacente. Et c’est là qu’il a réussi à réunir autour de lui des milliers de Maronites et de Libanais de toutes confessions.
A peine arrivés devant l’église saint Charbel, les cris de joie nous ont accueillis, et la fanfare des scouts a sonné les hymnes religieux alors que la foule qui remplissait les routes et la place de l’église chantait. Un accueil triomphal ! J’ai bien senti que Mgr Tarabay était bien parmi les « siens » qu’il connaît par leurs noms. Il a eu du mal à frayer son chemin ; tout le monde voulait le saluer.
Sur le parvis de l’église, nous avons mis nos ornements religieux et nous sommes entrés à l’église déjà pleine de monde en procession. Dans le chœur, il y avait les évêques orientaux d’Australie ainsi que S.Exc. Mgr Hanna évêque latin de Wollongong, d’origine maronite libanaise, et des prêtres du diocèse.
Dans son homélie, Mgr Tarabay est revenu sur ses années passées à la paroisse et à l’école Saint Charbel et sur sa vision pastorale pour le diocèse d’Australie qu’il voudrait servir dans « la fidélité et l’ouverture » - telle est sa devise. A plusieurs reprises il a été longuement applaudi.
Après la Messe, nous sommes passés au milieu d’une foule nombreuse pour rejoindre la grande cour un cocktail était préparé et où il devait recevoir les félicitations. Des centaines de personnes sont passées pour le saluer. Nous sommes restés près de deux heures debout à les voir passer ! Ce n’est que vers 22h00, que nous avons pu dîner à la communauté des religieux de l’Ordre Libanais Maronite qui se charge de la paroisse et de l’école depuis près de quarante ans.
Samedi 8 juin 2013
Dans la matinée, j’ai pu voir certains amis d’enfance et de jeunesse qui sont en Australie depuis de longues années.
Le soir, nous avons quitté, Mgr Tarabay et moi-même, Sydney pour revenir au Liban où nous devons rejoindre nos confrères les évêques maronites pour le Synode annuel qui devrait commencer dès le dimanche soir à Bkerké.
Mon premier séjour en Australie fut certes très court mais il m’a donné l’occasion de noter certaines constantes que je livre avec mes premières impressions :
- Notre communauté maronite d’Australie, qui ne cesse d’augmenter en nombre, est bien installée dans ce pays et jouit d’énormes potentiels humains, religieux, économiques et culturels.
- Le besoin se fait pressant de fonder de nouvelles paroisses ; et cela exige un plus grand nombre de prêtres mieux formés et préparés pour cette mission particulière.
- Les Maronites de ce pays - des premières, deuxièmes ou troisièmes générations - sont encore authentiques dans leurs traditions, coutumes ou manières de faire, comme s’ils venaient d’arriver tout juste de leurs villages du Liban. Et ils sont en très grande majorité originaires du Liban-Nord. Ce qui explique le nombre impressionnant d’associations qui ont pris le nom de leurs villages d’origine et qui ont pour objectif de les aider financièrement.
- Le clivage qui existait entre les prêtres religieux et diocésains, et avait une répercussion sur les fidèles, peut se résoudre par le fait que le nouvel évêque est lui-même religieux et connaît bien les positions des uns et des autres.
- Les atouts que détient Mgr Tarabay sont considérables et jouent en sa faveur, pour le fait qu’il a déjà réussi son pari dans les charges qu’il a occupées jusqu’ici et qu’il connaît bien ses ouailles pour les réunir autour de sa personne.
Dimanche 9 juin 2013
11h35, nous sommes arrivés à l’aéroport de Beyrouth après 18 heures de vol (sans compter les deux heures d’escale à Abou Dhabi). Nous avions profité, Mgr Tarabay et moi-même, de ce long voyage pour évaluer note séjour à Sydney et les célébrations de passation. Il m’a entretenu de sa vision d’avenir pour son diocèse ainsi que de ses besoins. Il m’a répété l’idée qu’il avait déjà lancée au Liban, celle de lancer un jumelage entre nos deux diocèses justement pour le fait qu’un bon nombre des Maronites de son diocèse sont originaires de Tannourine et d’autres villages de Batroun.
On nous attendait à l’aéroport pour nous accueillir au salon d’honneur. Nous avons pris juste le temps de récupérer nos valises, et nous sommes partis, chacun de son côté pour nous retrouver le soir à Bkerké pour l’ouverture de notre synode annuel.