Mgr Khairallah représentant le Patriarche Raї à la Conférence internationale à Bari (29-30 Avril 2015)

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Conférence internationale

« Chrétiens au Moyen-Orient : Quel avenir ? »

Bari – Italie 29-30 avril 2015

 

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Dans l’après-midi du mardi 28 avril, je quitte Pa ris pour Bari - Italie (dans le Sud) où je dois représenter Sa Béatitude le Patriarche Cardinal Béchara Raï à la Conférence internationale sur le thème « Chrétiens au Moyen-Orient : Quel avenir ? » organisée par la Communauté Sant’Egidio.

Prennent part à cette conférence le cardinal Leonardo Sandri Préfet de la Congrégation des Eglises orientales ; le ministre italien des Affaires étrangères M. Paolo Gentiloni ; les représentants des ministres des Affaires étrangères de Russie, de France, d’Allemagne et de Grèce ; plusieurs ambassadeurs près le Saint-Siège ; S. Exc. Mgr Paul Richard Gallagher Secrétaire pour les relations avec les Etats au Saint-Siège ; les patriarches Ignace Ephrem II syriaque orthodoxe d’Antioche, Grégoire III Laham grec melkite catholique d’Antioche, Ignace Youssef III Younan syriaque catholique d’Antioche, Ibrahim Isaac Sidrak copte catholique d’Alexandrie, le Métropolite Chrysostomos II Primat de Chypre ; les représentants des patriarches maronite, orthodoxe d’Antioche, chaldéen de Babylone, latin de Jérusalem et arménien orthodoxe de Cilicie ; S. Exc. Mgr Francesco Cacucci archevêque de Bari-Bitonto ; le député Hagop Pakradounian ; Dr Tarek Mitri (ex ministre libanais et grande figure du dialogue œcuménique et islamo-chrétien) comme rapporteur.

J’arrive dans la nuit.

Mercredi 29 avril 2015

A 9h00, Nous commençons la journée par la célébration de la Messe à la cathédrale autour de Mgr Cacucci.

L’avant-midi est consacré à la visite guidée du centre historique de la ville de Bari, notamment la cathédrale San Sabino et la crypte dédiée à Notre-Dame de l’Assomption et fondée elle-même sur une église romane du V° siècle, puis la basilique de Saint Nicolas construite sur un palais d’un Vosge vénitien après le transfert des reliques du saint en 1087 depuis Myr en Turquie.  

 

La première séance n’a lieu que dans l’après-midi, à 16h00.

C’est Mgr Cacucci qui lance le mot d’accueil en insistant sur « l’importance de Bari comme lien entre Orient et Occident depuis que les reliques de saint Nicolas y ont été accueillies en 1087 et de par son lieu stratégique sur la Méditerranée ».

 

Le Cardinal Sandri prend le relai pour remercier la Communauté de Sant’Egidio et l’archevêque de Bari pour leur accueil. « Nous nous trouvons en un lieu ouvert vers l’Orient depuis des siècles. Ici se retrouvent ensemble Catholiques, orthodoxes et Orthodoxes orientaux. Renouvelons l’engagement à cheminer ensemble vers l’Unité. La situation de nos frères au Moyen-Orient nous pousse à nous unir pour défendre leur présence. Demandons l’intercession de Saint Nicolas pour que les frères du Moyen-Orient connaissent des jours meilleurs dans la paix et la liberté ».

 

S. Exc. Mgr Nunzio Galantino, Secrétaire général de la Conférence Episcopale Italienne, parle de cette conférence comme « expression de notre proximité avec nos frères du Moyen-Orient qui souffrent quotidiennement du martyr et de l’exode, et qui sont exposés à la destruction de leurs églises, leurs maisons et même leur culture. La chronique nous informe tous les jours de ce que vivent nos frères chrétiens là-bas, spécialement en Irak et en Syrie. Ils ont peur d’être oubliés en Occident. Nous avons à prendre une position claire et à agir pour arrêter les massacres et le vrai holocauste chrétien en Orient. Il ne suffit pas de leur dire : allez en paix, nous prions pour vous ! ».

 

M. Marco Impagliazzo, président de la Communauté Sant’Egidio, dit : « Nous avons voulu cette rencontre dans le temps de Pâques, de la résurrection de Notre Seigneur Jésus Christ, comme motif spirituel pour nous rencontrer et nous écouter.

Elle représente un défi pour l’Occident, un cri aux gouvernements et aux chrétiens pour les conscientiser de ce que vivent leurs frères du Moyen-Orient. Face aux forces du Mal qui s’acharne, nous voulons constituer une force du Bien. Personne ne possède la solution magique ; mais le fait de vous écouter nous aidera à trouver ensemble la solution ».

 

Dr Tarek Mitri dresse un tableau de la situation dramatique au Moyen-Orient. « La guerre a éclaté dans nos pays pour une démocratie qui n’en est pas une. Et, après l’échec du présupposé printemps, on déclare une guerre contre les groupes radicaux, fondamentalistes et terroristes d’un côté, et contre les régimes totalitaristes de l’autre. Les chrétiens sont accusés d’être des défenseurs des régimes politiques qui supposent les protéger. Les chrétiens se demandent pourquoi ils payent le prix et pourquoi les musulmans modérés gardent le silence ; ils réclament leur liberté et une démocratie vraie qui les aide à choisir leur sort librement avec leurs concitoyens musulmans. Le rôle des chrétiens a été et est toujours celui d’établir des sociétés libres qui respectent les droits de l’homme, notamment au Liban, pays précurseur. Les valeurs que les chrétiens portent et témoignent ont été longtemps respectées par les musulmans. les chrétiens ont à inventer aujourd’hui une participation politique selon leurs valeurs et à témoigner de l’Evangile. Nous chrétiens du Moyen-Orient, nous ne sommes pas là pour pleurer notre sort, mais nous voulons être actifs dans nos pays et nos sociétés pour les pousser à évoluer dans les sens des droits de l’homme ».

 

Sa Béatitude le patriarche Grégoire III Laham invite les « frères occidentaux à venir vivre en Syrie et prier avec leurs frères ; ils comprendront ainsi ce que veut dire résister dans des conditions difficiles. On dit que l’Eglise en Syrie est dépendante du régime. Ce n’est pas vrai ; notre Eglise est tout à fait indépendante, et nos fidèles réussissent à vivre leur foi et à conserver leur tradition et leurs lieux de culte. Mais avec l’arrivée des fondamentalistes et terroristes de Daesh, soutenus par des puissances occidentales, la situation a complètement changé. Nos chrétiens viennent vivre en Occident et perdent leurs valeurs et leur tradition dans un monde sécularisé. Ce que nous vous demandons, c’est de nous soutenir et de nous aider à rester sur notre terre ».

 

S. Exc. Mgr Paolo Marcuzzo, Vicaire pour les Latins à Nazareth et représentant le patriarche de Jérusalem Fouad Twal, précise que « pour assurer l’avenir des chrétiens au Moyen-Orient il faut établir la paix. Or tous nos problèmes proviennent du conflit israélo-palestinien. Que faire ? Selon les recommandations de Sa Sainteté le Pape François, il y a trois actions : 1- Tout dépend de soi, de sa communauté et de son Eglise. Notre force est le Christ ; comptons sur Lui et portons notre mission en réponse à notre vocation d’être ici les témoins du Christ. 2- Notre force est dans notre unité avec les autres chrétiens, dans notre collaboration et dans notre solidarité. Nous sommes forts et riches par notre diversité et par notre unité au sein de l’Eglise universelle. 3- Dialoguer avec tout le monde ».

 

Sa Béatitude le patriarche Ignace Ephrem II commence par rappeler « la mémoire des deux évêques d’Alep, Ibrahim et Yazigi, disparus depuis deux ans et dont nous sommes sans nouvelles. (Applaudissements). Nous sommes accusés d’être pour le régime en Syrie. Il faut dire que nous vivons sur le fil du rasoir. Nous ne justifions pas la violence. Nous sommes très inquiets pour nos réfugiés qui ont peur après avoir tout perdu».

 

Sa Béatitude le patriarche Ignace Youssef III Younan commence par dire : « On nous accuse d’être pour le régime. Nous sommes menacés pour notre survie. Au moins la moitié de nos fidèles sont partis d’Irak et de Syrie. Nous sentons très fortement la menace de l’Islam politique. Qu’est-ce que l’Occident est en train de faire pour défendre la présence chrétienne au Moyen-Orient ? ».

 

Vu la tournure des discussions, j’ai demandé la parole pour lancer un appel à tous les participants à cette conférence pour l’unité face aux défis qui nous menacent :

S. Exc. Mgr Mounir Khairallah : « Je voudrais proposer un autre titre à cette conférence : Chrétiens : Quel avenir ? Sa Sainteté le Pape François disait il y a quelques jours : le christianisme est la religion la plus persécutée au monde !

1-Croyez-vous que l’Eglise du Christ en Occident est plus armée pour affronter les revendications et les défis de la globalisation, du terrorisme, du radicalisme et du fondamentalisme ? Nous sommes donc tous affrontés aux mêmes problèmes. Cessons de parler de chrétiens d’Orient et chrétiens d’Occident. Faisons front commun ; portons ensemble en tant qu’Unique Eglise du Christ la mission d’évangéliser notre monde d’aujourd’hui en témoignant du même Christ et des mêmes valeurs.

2- Nos Eglises d’Orient sont désormais aux dimensions de « l’Oecumene », de l’Univers, et nos fidèles sont dispersés dans les quatre coins du monde. Aidez-nous à conserver en Occident notre patrimoine, notre culture et notre diversité au sein de vos Eglises, puisque nous sommes l’Unique Eglise du Christ et nous avons à témoigner ensemble de sa présence au cœur de Son Eglise et de la richesse de nos dons et nos charismes. L’Eglise arménienne et l’Eglise maronite montrent bien que nous pouvons nous enrichir mutuellement en témoignant du même Christ chacun dans sa culture.  

3- Nous ne nous posons pas la question des minorités et de la majorité dans notre Moyen-Orient. Nous avons toujours été minoritaires au sein des Empires qui se sont succédé dans nos pays, depuis l’Empire romain puis byzantin, à l’Empire islamo-arabe des Omeyyades, des Abbassides et des Mamelouks, à l’Empire ottoman. Nous avons été le levain dans nos pays et le facteur de renaissance culturelle, religieuse, sociale et économique. Nous voulons continuer de l’être. Aidez-nous à le faire en nous soutenant pour rester sur place ».

Les applaudissements qui ont suivi ont montré que le message est passé !

 

A 19h00, Nous avons participé ensemble à une prière œcuménique pour la Paix à la basilique Saint Nicolas pleine de fidèles venus s’unir à leurs frères chrétiens du Moyen-Orient. Des prières, des chants et des témoignages en plusieurs langues nous ont fait vivre un moment privilégié.  

 

Jeudi 30 avril 2015

A 8h00, nous avons célébré la Messe à la cathédrale sous la présidence de Son Eminence le Cardinal Leonardo Sandri, Préfet de la Congrégation des Eglises Orientales. Dans son homélie, Mgr Sandri s’est arrêté sur la « tragédie des chrétiens du Moyen-Orient », notamment en Irak et en Syrie. « On perçoit la trahison même dans le silence qui a duré trop longtemps de la communauté internationale, ou l’abandon par les forces nationales et régionales qui avaient offert au début des garanties de protection ». « Quand l’homme cesse d’être fidèle au Dieu de l’Alliance, il finit par ne pas être fidèle à sa propre humanité et à celle de ses frères et sœurs avec lesquels il a peut-être vécu jusqu’au jour précédent ».

 

A 9h30, la séance de l’avant-midi a débuté avec le professeur Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté Sant’Egidio (en 1968) :

« Nous avons écouté des témoignages et prié ensemble. L’Espérance est la mère des solutions. Concernant la situation de nos frères chrétiens du Moyen-Orient, nous assistons cette fois-ci à leur extradition de leur terre. Ils vivent une épreuve unique dans leur histoire. La Syrie, le Liban et l’Irak furent des pays de refuge pour les chrétiens persécutés, notamment les Arméniens au début du XX° siècle. Mais aujourd’hui, c’est la fin de ces chrétiens. Certains parlent de génocide des chrétiens et minorités, ou au moins de leur martyr ! Pourquoi sont-ils persécutés ? Et pourtant les communautés chrétiennes dans le monde musulman ont été un facteur de pacification. Leur élimination serait un suicide du pluralisme religieux et politique. Un monde risque de disparaître. La guerre en Syrie asphyxie le Liban avec un million et demi de réfugiés. Dans la guerre entre sunnites et chiites, les chrétiens sont écrasés. Le Ministre français des Affaires étrangères M. Laurent Fabius a parlé au Conseil de sécurité le 27 mars dernier du ‘devoir de garantir le retour des réfugiés dans leur terre et d’exiger des gouvernements sur place au Moyen-Orient la garantie de sécurité pour les chrétiens’. La globalisation a fragmenté le monde musulman. Nous ne sommes plus aujourd’hui au temps de la ‘protection des chrétiens d’Orient’. Les chrétiens d’Orient sont aujourd’hui plus que jamais unis et solidaires; et l’union des chrétiens d’Orient et d’Occident, comme a exigé le représentant du patriarche maronite, est une force pour affronter les problèmes du monde globalisé ».

 

Ensuite, sont intervenus :

S.Exc. Mgr Paul Richard Gallagher, Secrétaire pour les relations avec les Etats au Saint-Siège (correspondant du Ministre des Aff. Etr.) :

« Le Saint-Siège déplore les atrocités inouïes perpétrées au Moyen-Orient contre les chrétiens et d’autres minorités en exprimant sa vive préoccupation. Je rappelle ici les nombreux appels de Sa Sainteté le pape François ainsi que ses initiatives : rencontre au Vatican avec les nonces apostoliques en Égypte, en Terre sainte, en Jordanie, en Irak, en Iran, au Liban, en Syrie et en Turquie du 2 au 4 octobre 2014 ; consistoire ordinaire pour le Moyen-Orient le 20 octobre 2014 ; lettre aux Chrétiens du Moyen-Orient à Noël. Nous mettons en garde contre la disparition du Moyen-Orient lui-même et de sa tradition de cohabitation entre les divers groupes ethniques et religieux : un Moyen-Orient sans ou avec peu de chrétiens n'est plus le Moyen-Orient, puisque les chrétiens participent avec les autres croyants à l’identité si particulière de la région. La présence chrétienne est en effet importante non seulement pour la vie de l’Église mais aussi pour le développement de la société : les chrétiens accomplissent un rôle de premier plan au service du bien commun à travers l’éducation, le soin des malades, l’assistance sociale; ils sont artisans de paix, de réconciliation et de développement. En collaboration avec les membres d'autres religions, et sans tomber dans la tentation de chercher à se faire protéger par les autorités politiques ou militaires, ils sont appelés à offrir une contribution irremplaçable à leurs sociétés. Les conditions pour stopper l'exode chrétien sont : en premier lieu, il faut coordonner l'action de la communauté internationale pour faire face à l’urgence humanitaire et garantir des conditions minimes de sécurité pour les minorités. A long terme, il faut garantir le respect des droits humains, en particulier la liberté religieuse et de conscience, qui inclut la liberté de changer de religion et le droit à vivre dans la dignité et la sécurité dans son pays. Les chrétiens ne doivent pas être seulement tolérés mais considérés comme des citoyens à part entière. En outre, la communauté internationale a la responsabilité d'agir pour prévenir de nouveaux crimes, de promouvoir la paix, le dialogue, et d'arrêter le trafic d'armes, car le choix de la guerre multiplie la souffrance de la population. Pour promouvoir la paix dans le monde musulman, nous préconisons deux axes : affronter le phénomène du terrorisme avec des contrôles sur les enseignements dans les mosquées et écoles, en mettant une certaine limite à diverses expressions provocatrices en Occident ; faire mûrir la nécessité de distinguer religion et politique, qui doivent avoir une autonomie réciproque dans la collaboration. Toute l’Église a la responsabilité de soutenir par tout moyen possible nos frères chrétiens qui confessent leur foi au Moyen-Orient et de les encourager à continuer à être une présence significative pour le bien de toute la société. Les leaders religieux juifs, chrétiens et musulmans ont aussi un rôle indispensable pour favoriser le dialogue interreligieux et interculturel ainsi que l’éducation à la compréhension réciproque. Ils sont aussi appelés à dénoncer clairement l'instrumentalisation de la religion pour justifier la violence. Les Pères de l’Église disaient que le sang des martyrs est semence de nouveaux chrétiens. Je formule le vœu qu'avec l'aide du Seigneur, la souffrance de tant de nos frères porte des fruits de bien pour l'avenir des chrétiens dans la région ».  

 

Sa Béatitude le patriarche Ignace Ephrem II :

« Nous avons à relire l’histoire des rapports entre chrétiens et musulmans au Moyen-Orient : les musulmans ont été accueillis d’abord comme libérateurs. Puis les chrétiens jouèrent au temps des Califes un rôle considérable au niveau culturel et politique ; et ils ont même été fondateurs de partis. Aujourd’hui, devons-nous attendre cent ans pour que le monde prenne conscience de notre martyr comme ce fut le cas pour les Arméniens ? L’Islam est kidnapé par une faction ultra-fondamentaliste. Et face au terrorisme, nos églises sont dépassées par les besoins des réfugiés. Sans paix, il n’y aura pas d’avenir pour les chrétiens du Moyen-Orient, mais aussi pour le monde entier ».

 

Sa Béatitude le patriarche Grégoire III Laham :

« Présence, rôle, avenir. Une présence sans rôle et mission n’a pas de sens. Etre au Moyen-Orient : c’est le défi des chrétiens. Notre Eglise est l’Eglise des Arabes au sein de l’Islam. Nous avons à vivre avec les musulmans et pour eux afin de construire un monde meilleur. Un monde arabe uni : voilà le rôle que nous nous donnons nous chrétiens. Cette unité est une garantie pour les chrétiens du Moyen-Orient. Le Pape François a dit le 24 mai 2014 en Jordanie : la solution globale aux guerres au Moyen-Orient réside dans la justice à donner aux Palestiniens. L’Eglise du Christ au Moyen-Orient a actuellement une voix unique, grâce à l’Assemblée des Patriarches d’Orient. Je propose que l’on élabore ici, et en notre nom à tous, un document que l’on confiera aux chefs des Eglises qui le porteront auprès des leaders et des responsables politiques des Grandes Puissances. Enfin, ne jamais oublier la flamme de l’espérance ».

 

Le Métropolite Chrysostomos II, Primat de Chypre :

« Notre pays est divisé depuis 1974 entre turcs et grecs. Nous avons essayé de nous organiser et de nous ouvrir à l’Europe ; mais des milliers de fidèles ont tout perdu au nord de l’Ile pour se déplacer dans le sud; et nous n’avons toujours pas récupéré nos églises et nos propriétés dans le nord. La Turquie est un pays qui glisse de plus en plus vers le fondamentalisme islamique et voudrait rayer toute présence chrétienne ; et pourtant les chrétiens dans l’île de Chypre comme en Turquie remontent à la première ère chrétienne. Le gouvernement turc force la main contre les chypriotes du nord pour ne pas les laisser se concilier avec ceux du sud. Un premier ministre turc a dit: l’venir de l’Europe sera aux mains des musulmans… ».

 

S. Exc. Mgr Youssef Mirkis, représentant le Patriarche de Babylone des chaldéens Louis Sako :

« On parle de génocide ! Le complot vise à éradiquer un peule de sa terre et à détruire sa culture, outre ses églises et ses maisons. Le Ministre français des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, avait déjà parlé de génocide en août 2014 lors de sa visite au Kurdistan. Nous vous invitons à initier dès maintenant un processus judiciaire international contre l’Etat Islamique (Daesh). Le printemps arabe n’a pas réussi dans nos pays et n’a pas porté les résultats espérés de démocratie et de liberté. Nous avons perdu plus de la moitié de nos fidèles en Irak, entre martyr et exode ».

 

Sa Béatitude le patriarche Ibrahim Sidrak :

« L’influence des changements internationaux sur les chrétiens du Moyen-Orient et la question de leur avenir… Les chrétiens en Egypte ont joué un rôle central dans l’insurrection de janvier 2011 qui a évincé le président Moubarac. Puis ils ont payé un prix très cher avec le gouvernement des Frères musulmans du président Mursi. Actuellement, le président Sissi essaie de mettre en évidence les coptes et de leur redonner leurs droits de citoyenneté. Mais il est encore trop tôt pour juger de l’issue de cette ouverture. Nous sommes sur place et nous y resterons ; nous lutterons pour construire des sociétés modernes où tout homme est respecté pour sa dignité et ses droits ».

 

S. Exc. Mgr Angelos, représentant le patriarche copte orthodoxe d’Alexandrie :

« Les chrétiens au Moyen-Orient sont en nette diminution. Le printemps arabe a été une délusion. La convivialité isalmo-chrétienne a été totalement ignorée par l’Occident qui a voulu apporter la soi-disant démocratie. Nous nous mettons à regarder les télévisions et les moyens de communication et nous sommes pris par les chiffres et les statistiques des personnes qui meurent ou qui souffrent, mais non par les valeurs que représentent ces personnes ! Nous ne demandons pas que les chrétiens d’Occident viennent aider ceux d’Orient. Nous professons le même Christ. Nous ne pouvons plus exister en tant que groupes disparates, mais en tant qu’Unique Eglise du Christ. Nous ne voulons pas la charité, mais la reconnaissance de nos droits et de notre dignité. Les expériences de l’Egypte et du Liban sont différentes de celles de la Syrie ou de l’Irak qui ont vécu selon le concept de protection, Dhimmi ».

 

M. Paolo GENTILONI, Ministre italien des Affaires étrangères (qui a laissé une séance de vote de confiance pour le gouvernement au Parlement à Rome pour venir jusqu’à Bari et rejoindre tout de suite après Rome :

« Je suis là surtout pour écouter les voix des chrétiens du Moyen-Orient. Le Pape François nous a rappelé qu’il faut prendre en considération les personnes et leurs droits à vivre en dignité et en liberté. Je dois rendre hommage aux évêques, aux prêtres, religieux et religieuses qui se donnent au service des chrétiens d’Orient, notamment les deux évêques d’Alep et le Père jésuite D’Alloglio enlevés. Permettez-moi de faire un examen de conscience devant vous : L’Europe est malade d’égoïsme, d’individualisme et d’indifférence, malheureusement ! Nous ne pouvons pas rester passifs face à ce qui se passe au Moyen-Orient. Nous devons insister sur l’éducation à la culture de la paix et de la diversité. Je dis non à la pédagogie de la haine ; je dis oui à la justice et à la liberté. Eliminer les chrétiens du Moyen-Orient veut dire éliminer le pluralisme. Un Moyen-Orient ne peut exister sans les chrétiens. L’exode des chrétiens du Moyen-Orient prive toute la région du facteur de pluralisme, de dialogue et de diversité culturelle. La mobilisation de la communauté internationale est urgente et est un devoir. Il faut une action effective et musclée contre le terrorisme, une action conjointe engageant aussi la Russie. Daesh n’est pas un Etat et ne doit pas être considéré comme tel. Il est du devoir des musulmans modérés eux-mêmes de combattre Daesh ! Nous devons défendre le Liban et son pluralisme, car ce serait une perte pour tout le Moyen-Orient de perdre l’exemple du Liban. Nous soutenons toute action visant le retour des réfugiés sur leur terre.

Nous devons nous mettre en conscience l’appel de Dieu à Abraham : Europe ! Aies le courage de sortir de ton égoïsme et de ton individualisme ! Aies le courage de la vérité !».

Les applaudissements nourris ont manifesté l’adhésion et le consentement de l’assistance.

 

M. Jean-Christophe PEAUCELLE, Conseiller pour les affaires religieuses au Ministère français des Affaires étrangères :

« M. Laurent Fabius, Ministre des Affaires étrangères, affirmait : au Moyen-Orient, nous sommes en face d’une action barbare qui vise à éradiquer les chrétiens et d’autres minorités. Les chrétiens du Moyen-Orient sont là depuis 2.000 ans et ont participé à la construction de leurs pays et sociétés. La France défend les chrétiens d’Orient par fidélité à sa tradition et à son histoire. La disparition des chrétiens du Moyen-Orient serait une catastrophe pour toute la région. D’où l’urgence d’une action humanitaire, politique et judiciaire pour punir les crimes contre l’humanité. Je conclue en disant qu’il faut : 1- libérer les gens de la peur, 2- favoriser le dialogue interreligieux ».

 

M. Nigel Marcus BAKER, ambassadeur de Grande Bretagne près le Saint-Siège :

« Je suis là pour écouter dans l’humilité en vue de construire ensemble. Nous accueillons volontiers : tout débat sur les minorités, toute action des Nations Unies en faveur des chrétiens du Moyen-Orient et des autres minorités et groupes religieux différents. La Grande Bretagne œuvre en collaboration avec les Grandes puissances et les Nations Unies ».

 

M. Alexander AVDEEV, ambassadeur de Russie près le Saint-Siège :  

Il a commencé par lire le message de M. Sergei LAVROV, ministre russe des Affaires étrangères : « le problème des minorités et des chrétiens du Moyen-Orient nous préoccupe et suscite notre intérêt. La Russie a une tradition et une longue histoire avec les chrétiens du Moyen-Orient. Nous avons collaboré avec le Saint-Siège pour organiser une conférence internationale sur les chrétiens du Moyen-Orient et des autres minorités ».

Et de poursuivre : « C’est une grande tragédie que vivent les chrétiens du Moyen-Orient. Je suis d’accord avec l’archevêque Chrysostomos de Chypre. M. le ministre italien vient de dire qu’il faut associer la Russie à nos efforts. Or nous sommes impliqués ; car nous avons invité les deux factions, Pouvoir et Opposition, à Moscou pour un dialogue direct. Ce qui nous éloigne des Etats-Unis c’est qu’ils sont contre le Pouvoir en Syrie. Nous disons que ce Pouvoir est une garantie pour les chrétiens de Syrie. Si les Etats-Unis changent leur position et combattent sérieusement le terrorisme et les factions fondamentalistes, nous nous retrouvons pour œuvrer ensemble pour la prospérité du Moyen-Orient et l’avenir des chrétiens ».

 

S. Exc. Mgr Sahan Sarkissian, représentant Sa Béatitude le Catholicos arménien orthodoxe de Cilicie Aram Ier :

« La religion a joué un rôle important à tout point de vue dans l’histoire de nos pays au Moyen-Orient. Les communautés chrétiennes ont toujours vécu dans un contexte complexe et ont subi les guerres, les persécutions et les massacres, notamment nous les arméniens. L’émigration a été accrue dernièrement par la lutte entre sunnites et chiites ».  

 

S. Exc. Mgr Mounir Khairallah, représentant Sa Béatitude Béchara Boutros Raï, patriarche maronite d’Antioche et de tout l’Orient :

«  Je vous transmets les salutations de Sa Béatitude Cardinal Béchara Boutros Raï, ainsi que son hommage à la Communauté Sant’Egidio et à S. Exc. Mgr Francesco Cacucci, archevêque de Bari-Bitonto pour l’organisation de cette conférence internationale.

Je ne m’attarde pas sur la situation du Liban qui succombe sous le poids des réfugiés qu’il accueille – un demi million de réfugiés palestiniens et un million et demi de réfugiés syriens pour un total de quatre millions d’habitants que compte le Liban, c'est-à-dire 50%, ce qui équivaut à 25 millions de réfugiés en Italie ou en France !

Lors de sa conférence devant l’UNESCO à Paris le samedi 25 avril, Sa Béatitude, après avoir esquissé le parcours historique de la présence chrétienne bimillénaire au Moyen-Orient et ses espaces de promotion de la culture de la paix, a évoqué les moyens pour sauvegarder la présence chrétienne :

1-Résoudre d’abord le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe qui est à l’origine de tous les conflits et guerres qui embrasent le Moyen-Orient. Il y a déjà des résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU à appliquer, et d’autres à prendre.

2- Mettre fin aux guerres en cours en Syrie, en Irak et au Yémen, à travers les négociations politiques et le dialogue entre les parties en conflit. Ce qui implique de cesser de soutenir politiquement et financièrement les belligérants et les organisations terroristes.

3- Reconstruire le vivre ensemble entre toutes les religions, et dans tous les pays, par un réengagement universel, en remplacement de l’assistanat et de la force militaire. Ainsi la méditerranée, berceau des religions, devrait devenir le pont culturel entre ces deux mondes, au lieu d’être la frontière de leur conflit.

4- Déployer les efforts nécessaires pour que l’Islam, aujourd’hui en éruption violente, ne se sente marginalisé et n’entre en confrontation avec d’autres civilisations. Les chrétiens d’Orient et particulièrement ceux du Liban pourraient être un vecteur essentiel pour cette noble mission.

5- Reconnaître que les chrétiens d’Orient, et surtout les chrétiens du Liban, pourraient jouer un rôle conciliateur dans les conflits de la région pour une solution politique à long terme, une solution interculturelle intrinsèque, au lieu d’une solution militaire imposée.

6- Protéger la formule libanaise qui a fait ses preuves ainsi que le rôle de la communauté chrétienne afin de garantir l’évolution vers la démocratie, les valeurs de la liberté et le développement dans la région. Car seul le Liban sépare entre religion et Etat, où chrétiens et musulmans sont en pleine égalité de droits et obligations. Seulement au Liban, les chrétiens ont une présence politique reconnue dans leur propre pays et dans le monde arabe. Le Liban, grâce à sa culture de convivialité, reste le seul espoir du vivre ensemble entre chrétiens, musulmans et autres.

Mais avant d’agir sur les moyens proposés, je vous invite à œuvrer ensemble pour libérer nos sociétés occidentales et orientales de la psychose de la peur, surtout après les attentats du 11 septembre 2001.

Je ne voudrais pas parler d’Islam modéré et d’Islam radical. Croyez-vous que les pays musulmans et arabes n’ont pas peur de ce fondamentalisme qui n’a rien à voir avec la religion musulmane et qui ravage leurs sociétés ?

Aidez-nous donc et surtout à rester sur place pour continuer à porter notre mission.

Un Moyen-Orient sans les chrétiens n’a pas la chance de vivre et de se développer. Et c’est ce que disent et répètent tant de musulmans. Et si le dialogue et la convivialité ne réussissent pas entre chrétiens et musulmans, le danger du fondamentalisme sera fatal pour l’Europe et pour tout l’Occident.

Les chrétiens du Liban – comme leurs frères des autres pays du Moyen-Orient - ont payé très cher le prix de cette qualité de présence au cours des siècles, ils ne veulent en aucun cas et pour quelque raison que ce soit, en perdre les bienfaits aujourd’hui.

C’est notre conviction profonde. C’est notre mission. Comme nous avons été dans notre Moyen-Orient, aux XVIIIº, XIXº et XXº siècles, les champions de la Renaissance - religieuse, culturelle, politique et économique - nous voulons être, au XXIº siècle, les champions des droits de l’homme, les référents de la convivialité dans la liberté et le respect des diversités, et les promoteurs de la culture du dialogue, du pardon et de la paix.

Ce n’est pas notre démographie qui comptera, ni notre puissance militaire, mais plutôt notre qualité de présence au service de nos frères et notre capacité de les aimer. Nous avons donc à changer de stratégie, c’est à dire à dépasser la psychose de la peur et à sortir de toute position défensive pour témoigner de Jésus Christ, Dieu fait homme par amour pour les hommes, crucifié et mort pour sauver tous les hommes.

Nous sommes là et nous y resterons attachés à notre mission, levain dans la pâte de ce Moyen-Orient en recherche permanente de paix juste et durable.  

C’est là notre avenir ! ».    

 

M. Kiriakos AMIRIDIS, représentant le Ministre grec des Affaires étrangères :

« Mon pays est très sensible aux problèmes que vivent les chrétiens du Moyen-Orient. Nous avons d’excellents rapports avec les pays arabes. C’est pourquoi nous offrons nos offices pour des négociations de paix. Nous sommes en train de préparer un congrès international sur cette question pour le mois d’octobre prochain ».

 

Mme Maria Christian, chargée d’affaires à l’ambassade des Etats-Unis près le Saint-Siège :

« Nous avons condamné à plusieurs reprises ce que subissent les chrétiens du Moyen-Orient. Nous sommes à vos côtés, et nous comprenons ce que vous vivez. Les Etats-Unis sont toujours pour la liberté de religion. Nous avons présidé une coalition internationale pour combattre l’Etat Islamique. Je rappelle la rencontre des leaders religieux auprès du président Obama en septembre dernier. Nous avons un objectif unique : avoir un Moyen-Orient pluraliste ! ».

 

La séance de l’après-midi a débuté à 16h30. Sont intervenus :

S. Exc. Mgr Armash NARMANDJIAN, archevêque de Damas des Arméniens :

« Ne répondez pas aux messages des Etats-Unis pour accueillir 3.000 ou 5.000 réfugiés syriens ou irakiens ! Aidez-nous à rester sur place et donnez-nous les moyens de résister et de vivre dignement. Nous nous posons ici la question quel avenir pour les chrétiens du Moyen-Orient ? Posons-nous plutôt la Question : quel avenir aurons-nous au Moyen-Orient avec l’Islam ? Et quel Islam aurons-nous demain au Moyen-Orient, un Islam modéré ou un Islam fanatique ? ».

 

Métropolite Shahak MASHALYAN, arménien de Turquie :

« Les chrétiens disparaissent en Turquie : ils sont actuellement au nombre de 50.000 pour un total de 78 millions de musulmans ! Et en plus la natalité est très basse chez les chrétiens. Quel avenir nous attend alors ? Mais gardons l’espérance, et nous disons : plus la nuit avance, plus l’espoir du jour approche ! ».

 

Métropolite VIKENTY, représentant le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie :

« Les chrétiens du Moyen-Orient sont plus anciens que l’Islam dans leurs pays. Ils ont été sacrifiés à l’autel des intérêts des Grandes Puissances. L’Eglise russe considère les souffrances des chrétiens du Moyen-Orient comme étant les siennes, et se place toujours à leurs côtés pour soulager leurs souffrances et leur assurer une garantie de vie digne et libre ».  

 

M. Antonio FERRARA, journaliste au Corriere della Sera :

« J’aime beaucoup le Liban que je considère comme ma deuxième patrie. J’ai écrit un livre sur le Liban. J’y ai trouvé l’exemple de convivialité. Vos interventions ont été très riches, sincères et prometteuses. Quand on abat un dictateur, il faudra penser à ce qui arrivera après ; comme notre proche Libye ».

 

P. Antonio SPADARO, s.j., directeur de la revue Civiltà Cattolica :  

« Les chrétiens du Moyen-Orient ne doivent pas renoncer à leur rôle pacificateur. La majorité des peuples musulmans refusent le terrorisme et le fanatisme. L’Islam est traversé actuellement de courants fanatiques. On ne peut pas parler de guerre de religion, sinon on ferait le jeu des terroristes. On ne devrait pas les appeler musulmans fanatiques, mais terroristes. Les chrétiens du Moyen-Orient ont été les acteurs de la Nahda (Renaissance) arabe et de la modernité ».

 

Séance conclusive (18h00-19h30) :

Dr Tarek Mitri :

« De notre débat riche et intéressant, je relève huit points :

1-Nous, chrétiens du Moyen-Orient, vivons des temps difficiles, avec un sens d’impuissance et d’abandon, mais de reconnaissance respectueuse des difficultés. Nous sommes vulnérables mais non brisés !

2- Oecuménisme et témoignage commun. Nous avons développé un discours œcuménique sur comment vivre au Moyen-Orient. De même que les chrétiens dans le passé ont donné l’exemple des valeurs, il est possible aujourd’hui que nous vivions les mêmes valeurs.

3- Protection des minorités. La solidarité, oui, mais la protection dans le sens du XIX° siècle, non. Le Liban accueille un grand nombre de réfugiés chrétiens et non chrétiens d’Irak et de Syrie. Que pouvons-nous faire pour eux, en sachant que la majorité restera avec nous au Liban ?!

4- Grande émigration. Ce n’est pas la solution désirée ; nous l’avons dit tous. Le soutien aux réfugiés est urgent.

5- Une action concrète : créer des lieux sûrs pour les réfugiés, et pour les chrétiens.

6- Dialogue : Nous devons dialoguer avec les musulmans ; car nous, comme eux, resterons sur place. Les musulmans ne restent pas inertes quand Daesh arrive. Ce Daesh est dangereux pour les musulmans comme pour les chrétiens, et ne sera vaincu par les frappes aériennes.  

7- Crédibilité : regagner notre crédibilité comme promoteurs de paix et médiateurs culturels et politiques. Pour jouer ce rôle de médiateurs, nous avons besoin d’être reconnus ainsi.

8- A la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU de mars dernier, le Secrétaire général nous a demandé des idées. Nous devons les lui donner ».

 

Pr Andrea Riccardi :

« Ici, nous nous sommes sentis entre amis, comme a dit le patriarche Ephrem II.

Nous en Occident, sommes désintéressés ; et plus le désintérêt grandit, plus nous avons peur, comme a dit le ministre Gentiloni en parlant d’égoïsme et d’individualisme. Ce qui s’est passé il y a cent ans, notamment aux Arméniens, est en train de se passer aujourd’hui sous nos yeux, et peut-être pire. Notre conférence ne voudrait pas être un congrès d’études, mais une rencontre de témoins.

Concernant le titre, commençons par enlever le point d’interrogation.

Nous avons dit notre douleur, et nous avons senti que nous la vivons ensemble.

Nous devons passer du cri d’alarme aux propositions. Nous souffrons de manque de vision, comme disait le saint Pape Jean-Paul II.

Il n’y a pas une solution chrétienne aux problèmes des chrétiens, mais une solution humaine.

Comment parler à l’Occident ?

On ne peut plus penser Orient et Occident ; mais nous avons à affronter unis les revendications de la globalisation, comme a dit le représentant du patriarche maronite, Mgr Mounir. Chrétiens unis : mais que peuvent-ils faire ? Et comment faire ?

Nous trouvons un Islam otage de minorités fanatiques.

Il a été dit clairement : Aidez-nous à rester. Mais comment pouvons-nous faire ?

          . La prière

          . Le soutien humanitaire

          . Créer des lieux de sécurité pour le retour des réfugiés.

Nous n’avons pas à vous donner des leçons. Nous sommes à votre disposition ; nous sommes solidaires avec vous ».  

 

 

Ma conclusion

Sur les deux événements :

La visite de Sa Béatitude et la Conférence internationale

 

 

Ce que je conclue personnellement, et succinctement, de la visite de Sa Béatitude Mar Béchara Raï à Paris et de la Conférence internationale à Bari :

 

Les paroles de Sa Béatitude, notamment son discours à l’UNESCO, ont secoué les consciences et resteront ancrées dans les mémoires des responsables et de tant de personnes. Les réponses des responsables religieux et politiques, à Paris comme à Bari, ont confirmé le drame que vivent les chrétiens du Moyen-Orient et le complot monté contre eux ; mais elles ont montré également l’incapacité des Grandes Puissances à mener une action internationale concertée pour arrêter ce complot et mettre fin au terrorisme.  

C’est comme pour nous dire : votre supplice est encore long, et les solutions politiques ne sont pas une recette toute prête. Résistez, témoignez, et l’action humanitaire que nous réussirons à mener vous servira de répit en attendant peut-être un nouveau Moyen-Orient !

Les mêmes paroles et les mêmes prises de position que nous avons entendues à Paris, nous les avons entendues à Bari :

 

1-Concernant l’état des chrétiens du Moyen-Orient :

. « Un complot qui vise à éradiquer les chrétiens du Moyen-Orient et d’autres minorités ». « Un complot de génocide, d’holocauste, de massacre ». « Nos frères chrétiens du Moyen-Orient souffrent de martyr, d’exode, et sont exposés à la destruction de leurs églises, de leurs maisons et même de leur culture ». « Ils vivent une épreuve unique dans leur histoire ». « Leurs problèmes proviennent du conflit israélo-palestinien » et « de l’égoïsme, de l’individualisme et de l’indifférence de l’Europe et de l’Occident ».

. « Les chrétiens du Moyen-Orient sont un facteur de pacification et les promoteurs d’une culture de paix, de respect des diversités et de sociétés plurielles et multiconfessionnelles », « des artisans de paix, de réconciliation et de développement ». « Eliminer les chrétiens du Moyen-Orient veut dire éliminer le pluralisme. Un Moyen-Orient ne peut exister sans les chrétiens qui sont un facteur de pluralisme, de dialogue et de diversité culturelle. Ce serait une perte pour tout le Moyen-Orient de perdre l’exemple du Liban ». « La disparition des chrétiens des chrétiens du Moyen-Orient serait une catastrophe pour toute la région ». « Leur élimination serait un suicide pour le pluralisme religieux et politique ». « Un Moyen-Orient sans les chrétiens est impossible ». « Un Moyen-Orient sans ou avec peu de chrétiens n’est plus le Moyen-Orient ».

 

 

2- Que demandent-ils de l’Occident ?

. « Nous aider à résister et à rester sur place, sur notre terre et à y vivre dignement ; et en Occident, aidez-nous à conserver nos traditions ». « Nous avons à nous unir, chrétiens d’Orient et d’Occident, et à constituer un front commun contre l’indifférence, l’individualisme et l’égoïsme ». « Nous ne voulons pas la charité, mais la reconnaissance de nos droits et de notre dignité ».

 

3- Les solutions proposées :

. « Libérer nos sociétés orientales et occidentales de la peur ». « L’urgence d’une action humanitaire, politique et judiciaire ». « Une action internationale concertée d’abord pour faire face à l’urgence humanitaire, ensuite pour arrêter les massacres et les atrocités et garantir la sécurité et les droits de l’homme ». « Soutenir toute action visant à garantir le retour des réfugiés sur leur terre ». « Résoudre d’abord le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe ; mettre fin aux guerres en cours et cesser de soutenir politiquement et financièrement les belligérants et les organisations terroristes ; reconstruire la convivialité en se basant sur l’exemple du Liban ; reconnaître le rôle des chrétiens du Moyen-Orient et leur assurer une vie digne ». « Libérer l’Islam des minorités fanatiques », et « déployer les efforts nécessaires pour que l’Islam ne se sente marginalisé et n’entre en confrontation avec d’autres civilisations ».  

 

Mais enfin, et quoi qu’il arrive, nous resterons ce que nous avons toujours été : les témoins de Jésus Christ et les promoteurs d’une culture de paix, de convivialité et de respect dans la diversité.

 

 

                                                                                      + Mounir Khairallah

                                                                                         Evêque de Batroun

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