Visite de Sa Béatitude Eminence
Mar Béchara Boutros Patriarche Raï
à Paris, 25-28 avril 2015
J’arrive à Paris le vendredi 24 avril pour rejoindre Sa Béatitude le Patriarche Cardinal Mar Béchara Boutros Raï et faire partie de la délégation officielle qui l’accompagnera dans sa visite à Paris et qui comprend : LL. Exc. NNSS. Paul Sayah Vicaire Patriarcal général, Maroun Nasser Gemayel évêque de l’éparchie Notre-Dame-du-Liban des Maronites de France et visiteur apostolique des Maronites d’Europe occidentale et septentrionale, Samir Mazloum Visiteur apostolique émérite pour les Maronites d’Europe occidentale et du Nord et vicaire patriarcal, François Eid Procureur patriarcal à Rome et Visiteur apostolique pour les Maronites d’Europe orientale, Moussa El-Hage évêque de Haifa et Terre sainte, et le responsable du bureau de communication au Patriarcat maître Walid Ghayad. Cette visite a deux objectifs : inaugurer le siège de l’Eparchie maronite de Notre-Dame-du-Liban de Paris à Meudon, dans les Hauts-de-Seine à l’Ouest de Paris, et rencontrer les officiels français dont le Président de la République et le Président du Sénat, ainsi qu’une conférence à l’UNESCO.
Samedi 25 avril 2015
A 12h15 : Sa Béatitude arrive à l’aéroport de Paris - Le Bourget à bord d’un avion privé venant d’Arménie où il était en visite officielle pour trois jours pour prendre part aux célébrations du centenaire du Génocide du peuple arménien par l’Empire Ottoman en 1915.
Je suis avec la délégation à son accueil. Puis Nous nous dirigeons vers l’hôtel Rafael dans le XVI° arrondissement de Paris où il logera hôte du Gouvernement français.
Après le déjeuner, à 16h00, nous sommes attendus par Son Eminence le Cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris. Voici l’essentiel de ce qui a été dit :
Cardinal Vingt-Trois : C’est avec joie que nous vous accueillons Eminence Béatitude ici à Paris. Vous venez inaugurer le siège de l’Evêché de Notre-Dame du Liban de Paris. Vous portez au nom de votre Eglise et de tout le Liban le poids de la situation critique chez vous et dans tous les pays du Moyen-Orient. Nous vous renouvelons notre solidarité et nous ne ménagerons pas d’efforts pour vous soutenir dans votre combat pour la liberté et la dignité de l’homme témoignant le Christ Jésus sur sa terre.
Patriarche Raï : Je viens de l’Arménie où j’ai célébré, avec le peuple arménien et l’Eglise arménienne qui témoigne à travers les souffrances, le centenaire du génocide. Les arméniens nous ont dit : c’est l’Eglise qui nous unit !
Et maintenant nous venons, à la tête d’une délégation officielle pour vous remercier pour les efforts que vous avez déployés en faveur de notre éparchie de Paris et des Maronites de France.
Quant à la situation au Liban, elle est critique à tous points de vue : économique, social, sécuritaire et constitutionnel. Le Liban accueille plus d’un million et demi de réfugiés syriens et un demi-million de réfugiés palestiniens. Cela fait un total de deux millions pour quatre millions d’habitants que compte le Liban. Comment le Liban peut-il supporter un tel poids ? Et en plus, on va instrumentaliser politiquement ces réfugiés comme on avait fait avec les palestiniens avant eux.
Les fondamentalistes au Liban et leurs alliés à l’étranger viennent s’y ajouter.
Aujourd’hui nous sommes sans président, et les politiciens libanais attendent une solution de l’étranger. Nous vivons dans le chaos. Les Libanais vivent comme par miracle ! La pauvreté s’accroît de plus en plus.
Et le péché originel au Moyen-Orient est le conflit israélo-palestinien. Il faut commencer par résoudre ce conflit.
En ce qui nous concerne, nous avons à prêcher l’Evangile, message de paix et de réconciliation. Nous comptons sur vos prières.
Cardinal Vingt-Trois : Cette semaine j’ai rencontré le Ministre de l’Intérieur, et avant lui le Ministre des Affaires étrangères M. Laurent Fabius. Ils m’ont parlé d’un complot génocidaire pour éradiquer les chrétiens d’Orient.
Concernant le terrorisme, m’ont-ils dit, nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord sur un plan d’action internationale. Moi je leur demande de dire au président Hollande : nous devons défendre les chrétiens d’Orient, non seulement pour leur présence historique, et non seulement parce qu’ils sont des minorités, mais surtout parce qu’ils représentent un facteur de pacification dans ce Moyen-Orient !
Patriarche Raï : Le gouvernement Libanais ne cesse de lancer des appels aux pays et aux instances internationales afin de nous aider à subvenir aux besoins des réfugiés. Quant à nous, nous réclamons aux instances internationales d’aider les Syriens à revenir habiter les territoires un peu sûrs en Syrie ; cela éviterait au Liban tant de problèmes humains, sociaux, scolaires, économiques … plus cela dure plus les problèmes augmentent. Tous les ans, nous comptons 50 mille naissances de Syriens au Liban !!! ».
A 17h30, Sa Béatitude est arrivé, en compagnie de la délégation, à l’UNESCO où il est accueilli par S. E. Monsieur Khalil Karam, ambassadeur Délégué permanent du Liban auprès de l’UNESCO et la Directrice générale de l’UNESCO, Mme Irina Bokova, qui nous a invités dans son bureau.
Au cours de l’entretien, Sa Béatitude a souligné sa « profonde inquiétude quant à la situation des Chrétiens d’Orient ». Faisant référence aux nombreux conflits dans la région arabe, il a déclaré que « la culture devient de plus en plus une arme de guerre, au nom d’une interprétation dévoyée de la religion ». Se référant au contexte actuel, il a mis en avant « l’accent porté sur les politiques économiques, sécuritaires et militaires au détriment de « la modération et de l’esprit humain ». « La référence doit rester l’être humain au nom même des valeurs qui nous unissent ». Il a également mentionné la situation que connaît le Liban, dont la population totale de 4 millions d’habitants compte 2 millions de réfugiés. « Il faut absolument parler de paix par rapport à la situation présente et permettre aux réfugiés d’envisager le retour à leurs terres ».
Mme Bokova a quant à elle souligné le rôle central de l’UNESCO dans le débat d’idées et le rapprochement des cultures, en insistant sur l’importance que « s’élèvent les voix de leaders religieux, qui jouissent d’une autorité spirituelle incontestable en matière de dialogue interreligieux et interculturel, comme Sa Sainteté le Pape François et vous-même ». A l’issue de la rencontre, le Patriarche a remis à la Directrice générale la médaille du Patriarcat maronite.
Nous nous sommes dirigés ensuite à la salle de conférence où Sa Béatitude devait donner une conférence sur « la présence chrétienne au Moyen-Orient et son rôle dans la promotion de la culture de la paix ».
Ouvrant la conférence, le Président du Conseil exécutif de l’UNESCO, S. Exc. Mohammed Sameh Amr (égyptien), a souligné le fait que « la culture est le moyen par lequel nous interagissons les uns avec les autres », et qu’il ne saurait « y avoir de paix sans culture ». Il a en outre ajouté que « dans nos sociétés de plus en plus multiculturelles, il est crucial d’assurer l’interaction harmonieuse entre les cultures et de célébrer la richesse de notre diversité dans l’esprit de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle ».
S. Exc. l’Ambassadeur Karam a pour sa part insisté sur la présence millénaire des chrétiens au Moyen-Orient. Il a également indiqué que cette visite du Patriarche à l’UNESCO, à l’occasion du 70ème anniversaire de l’Organisation, se voulait porteuse d’un message fort d’espérance.
La Directrice générale a déclaré dans son intervention que « l’UNESCO porte en elle l’intime conviction que chaque femme, chaque homme, chaque enfant, est une chance pour la paix et pour le dialogue, s’il grandit dans le respect des cultures et des droits humains, s’il connaît la diversité des peuples pour mieux les comprendre … Contre les artisans de la haine, qui cherchent à dresser les communautés les unes contre les autres, en détournant le message des religions et de l’histoire, nous pouvons aussi offrir un autre message. Nous devons dire que le dialogue des cultures existe, que nos destins sont liés, que les civilisations se sont toujours enrichies au contact des autres – parfois dans la douleur, mais le plus souvent, par le commerce, par le dialogue, dans la paix ».
Dans son intervention, Sa Béatitude a commencé par dresser le parcours historique de la présence chrétienne bimillénaire au Moyen-Orient. Toutes nos Eglises, a-t-il dit, qui remontent au temps du Christ, « ont constitué, avec leurs riches patrimoines, avant la parution de l’Islam au VII° siècle et la création des Etats actuels du Moyen-Orient, la base culturelle de toute cette région… Et avec les musulmans, les chrétiens du Moyen-Orient commencèrent leur cheminement depuis 1.400 ans sous les différents Empires et époques : Omeyyade (661-750), Abbasside ((750-1258), Mamelouks (1250-1516) et Ottomane (1516-1918). Ils ont su préserver leur présence malgré toutes les difficultés de la vie en commun en transmettant leur culture chrétienne de paix, de coexistence pacifique, de respect de l’autre différent et de l’ouverture aux autres cultures ».
Il a développé ensuite le rôle des chrétiens dans la création d’espaces de promotion de la culture de la paix. « Les chrétiens du Moyen-Orient ont continué à jouer leur rôle de promoteurs de la culture de la paix grâce aux contacts avec l’Europe : d’abord durant la période des Croisades (1089-1291) … Ensuite avec la fondation du Collège maronite de Rome (1584) qui a réussi à construire un pont culturel entre l’Orient et l’Occident … Les deux siècles XVI° et XVII° furent la période de fondation des écoles dans la Montagne libanaise et l’arrivée au Liban et en Orient des Ordres religieux latins venus de France, auxquels s’ajoutèrent dans la deuxième moitié du XIX° siècle les missions russes et anglo-saxonnes protestantes. Toutes ces missions de caractère culturel ont contribué à la renaissance culturelle du monde arabe et véhiculé les valeurs de la modernité … Une promotion importante de la culture de la paix est aussi assurée par les Universités chrétiennes et les Facultés d’Enseignement Supérieur, par les institutions sociales de l’Eglise et par les familles à mariages mixtes. Une rétrospective dans l’histoire nous fait constater que, durant les différentes époques de l’Empire arabe et de l’Empire Ottoman, le déclin de la civilisation arabo-musulmane allait de pair avec l’étouffement de la société chrétienne. Mais celle-ci a pu reprendre son rôle avec un plus grand rayonnement. C’est pourquoi, parler d’un Moyen-Orient sans chrétiens est une chose impossible. L’on peut parler plutôt d’affaiblissement de la présence chrétienne à cause de l’exode des chrétiens. Un tel exode, causé par des guerres, des conflits, des crises socio-économiques et parfois des persécutions, fait perdre au Proche-Orient d’irremplaçables artisans de paix et de développement. Il affaiblira aussi le rôle des musulmans modérés qui constituent jusqu’à présent la grande majorité des musulmans du Proche-Orient ».
Sa Béatitude a proposé, en troisième lieu, « les moyens pour sauvegarder la présence chrétienne ». « 1- Résoudre d’abord le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe qui est à l’origine de tous les conflits et guerres qui embrasent le Moyen-Orient. Il y a déjà des résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU à appliquer, et d’autres à prendre.
2- Mettre fin aux guerres en cours en Syrie, en Irak et au Yémen, à travers les négociations politiques et le dialogue entre les parties en conflit. Ce qui implique de cesser de soutenir politiquement et financièrement les belligérants et les organisations terroristes.
3- Reconstruire le vivre ensemble entre toutes les religions, et dans tous les pays, par un réengagement universel, en remplacement de l’assistanat et de la force militaire. Ainsi la méditerranée, berceau des religions, devrait devenir le pont culturel entre ces deux mondes, au lieu d’être la frontière de leur conflit.
4- Déployer les efforts nécessaires pour que l’Islam, aujourd’hui en éruption violente, ne se sente marginalisé et n’entre en confrontation avec d’autres civilisations. Les chrétiens d’Orient et particulièrement ceux du Liban pourraient être un vecteur essentiel pour cette noble mission.
5- Reconnaître que les chrétiens d’Orient, et surtout les chrétiens du Liban, pourraient jouer un rôle conciliateur dans les conflits de la région pour une solution politique à long terme, une solution interculturelle intrinsèque, au lieu d’une solution militaire imposée.
6- Protéger la formule libanaise qui a fait ses preuves ainsi que le rôle de la communauté chrétienne afin de garantir l’évolution vers la démocratie, les valeurs de la liberté et le développement dans la région. Car seul le Liban sépare entre religion et Etat, où chrétiens et musulmans sont en pleine égalité de droits et obligations. Seulement au Liban, les chrétiens ont une présence politique reconnue dans leur propre pays et dans le monde arabe. Le Liban, grâce à sa culture de convivialité, reste le seul espoir du vivre ensemble entre chrétiens, musulmans et autres ».
Et de conclure en lançant un appel poignant à la communauté internationale :
« Sur les plans social et humanitaire, nous arrivons actuellement à une situation dramatique avec des millions de victimes et de personnes déplacées dans les différents pays de la région. Cette situation ne trouvera pas de solution qu’avec la solidarité de la communauté internationale et son intervention efficace pour arrêter les guerres, imposer le retour des déplacés dans leurs pays, leurs régions, et la récupération de tous leurs biens et leurs droits. Je viens porter ici la voix de ceux qui à qui on a ravi la voix. Je viens témoigner de l’immense et indicible douleur de ceux qu’on a persécutés pour leur foi, de ceux dont on a insulté l’identité au nom du Dieu de Miséricorde qu’osent invoquer d’impitoyables meurtriers ».
Dimanche 26 avril 2015
A 10h30, Sa Béatitude préside la Messe solennelle à la cathédrale Notre-Dame-Du-Liban, en présence d’une foule nombreuse de personnalités, dont le Ministre libanais des Affaires étrangères M. Gébran Bassil, l’ex vice-Premier ministre M. Issam Farès, d’autres anciens ministres et députés, des ambassadeurs, et des fidèles venus de France et de toute l’Europe. Mgr Maroun Nasser Gemayel accueille le patriarche par ces mots :
« Il y a un siècle, presque jour pour jour, de cette même place, Mgr Baudrillart (archevêque de Paris) prononçait son discours d’inauguration de la chapelle Sainte Geneviève, rebaptisée depuis Notre-Dame-du-Liban. J’entends encore sa voix proclamant en 1915 devant Mgr Emmanuel Farès, représentant du patriarche Elias Hoyek : ‘Paris et la France accomplissent aujourd’hui un acte de reconnaissance et de justice en remettant entre les mains des représentants de S.B. le patriarche d’Antioche et du peuple maronite une église digne d’eux’.
Depuis presque trois ans, cette Eglise Notre-Dame-du-Liban, digne de nous, est devenue Cathédrale, dès lors qu’une structure éparchiale a été mise en place par le Pape Benoît XVI.
Tel était le passé. A présent, La maturation de notre Église maronite en France s’accroît au jour le jour, tant bien en ressources humaines que matérielles. Cette Eglise de l’Orient, meurtri par les guerres, pleine de dynamisme, compte s’enraciner dans cette terre hospitalière. Chaque jour, elle réalise un pas sur le chemin de son organisation et de son témoignage ; elle se félicite de son synode diocésain qui marquera son parcours spirituel et lui donnera une visibilité on ne peut plus claire. Ce que sera notre église maronite syriaque d’Antioche, en France, Dieu seul le sait, mais de grandes destinées l’attendent. Elle porte au fond de son cœur son précieux patrimoine liturgique, théologique et spirituel, et espère trouver un épanouissement lui permettant de préserver son authenticité et retrouver sa nouvelle vocation française et son nouvel enracinement dans ce continent hospitalier.
Béatitude, je vous souhaite la bienvenue à la cathédrale, et j’exprime toute ma joie de vous recevoir, avec le Nonce apostolique Mgr Luigi Ventura, représentant du Saint Père François, et de Mgr Georges Pontier, président de la Conférence épiscopale de France, tous les frères évêques et prêtres, et l’ensemble du peuple de Dieu. Notre éparchie vous promet de demeurer soudée par la charité et fidèle à son inestimable héritage qui va lui permettre de réaliser des merveilles dans son parcours, par la prière et la persévérance. Elle prendra à son compte de transmettre aux nouvelles générations nées en France et en Europe l’héritage de foi profonde de nos ancêtres. La communion entre notre Eglise maronite d’Antioche et celle de France étant finalement consacrée, c’est ainsi que l’authenticité et la mission se trouvent honorées selon le cœur du Seigneur »
Dans son homélie, Sa Béatitude s’est arrêté sur l’épisode de la « pêche miraculeuse », l’évangile du jour selon notre liturgie. Puis il a ajouté :
« Nous nous réjouissons de célébrer avec vous ce matin la divine liturgie en la cathédrale Notre-Dame-du-Liban à Paris, avec notre frère Mgr Maroun Nasser Gémayel, avec le directeur du Foyer Franco-libanais le chorévêque Amine Chahine, le curé de la paroisse et tous les prêtres, religieux et religieuses de l’éparchie maronite de France et tous les fidèles venus de toute la France et de l’Europe. Nus venons de rentrer de l’Arménie où nous avons participé à la commémoration du premier centenaire du génocide arménien qui était marquée par la canonisation d’un million de martyrs arméniens qui ont donné leur vie pour la foi chrétienne. Nous saluons le peuple arménien qui a su préserver son héritage spirituel et culturel. Grâce à l’intercession de la pléiade de ses martyrs, il a su renaître de ses difficultés majeures. Durant ce centenaire, ce grand peuple est resté fidèle à la mémoire de ses ancêtres martyrs, en commémorant ce crime contre l’humanité et en appelant la communauté internationale à reconnaître ce crime comme un acte violent contre l’homme et contre Dieu. Tout cela a été fait afin d’empêcher d’autres actes d’extermination et de permettre qu’un nouvel élan prenne place en s’appuyant sur la force de la résurrection du Christ.
Nous, les chrétiens, même si nous rencontrons la mort sous de multiples formes, ici et là, nous n’oublions pas que nous sommes les fils de la résurrection.
Nous sommes heureux d’être parmi vous à Paris pour répondre à l’invitation de Son Excellence Mgr Maroun Nasser Gémayel afin d’inaugurer ensemble le siège épiscopal à Meudon. Cela va permettre au nouveau pasteur de l’Eparchie maronite de France et au visiteur apostolique d’Europe occidentale et septentrionale d’accomplir pleinement sa double mission tout en s’appuyant sur ses proches collaborateurs et en œuvrant avec eux pour une vision pastorale adaptée…
Nous prions particulièrement pour nos jeunes et nos générations futures afin qu’ils grandissent dans la foi chrétienne et qu’ils préservent nos traditions, notre spiritualité maronite et notre héritage oriental. C’est ainsi qu’ils enrichissent les sociétés française et européenne comme les autres traditions nobles des Eglises sœurs…
Nous serons honorés de rencontrer le président de la République française M. François Hollande. Nous profiterons de cette pour exprimer note profonde gratitude à l’égard de la France avec laquelle les Maronites ont tissé des liens privilégiés d’amitié qui remontent à mille ans. Nous la remercions particulièrement pour sa prise de position en faveur du Liban et des chrétiens orientaux ».
Après la Messe, tout le monde était convié à Meudon pour prendre part à l’inauguration du siège de l’Eparchie. Là, Mgr Gemayel a prononcé ce mot :
« C’est une Pentecôte ! Permettez-moi d’exprimer toute ma joie de vous accueillir ici, à Beth Maroun, à la villa des Cèdres, à Meudon, autour de notre Patriarche Mar Béchara Boutros cardinal Raï, et autour de Monsieur Hervé Marseille, sénateur-Maire de cette ville paisible et accueillante, et de l’évêque du diocèse de Nanterre, Mgr Michel Aupetit. Soyez les bienvenus Vous tous et toutes, qui êtes venus des quatre coins de France et d’Europe, en ce jour tant attendu de la bénédiction et de l’inauguration du siège épiscopal maronite de France.
Béatitude, c'est un moment exceptionnel ! Le désir de nos Patriarches, vos prédécesseurs, est enfin réalisé, 125 ans après l’arrivée de Mgr Hoyek, à Paris, en 1890. Un siècle, plus tard, grâce à Vous, Béatitude, vous venez couronner leur souhait d’avoir une structure éparchiale convenable, digne d’eux. Désormais, elle sera basée à Meudon dans un lieu providentiel : la Villa des Cèdres – Beit Maroun. Ce siège, comme vous pouvez le constater, aura à abriter, certes, tous les services de la Chancellerie diocésaine. Mais ce sera surtout une maison au service de nos fidèles, où l’on est bien accueilli et reconnu, où l’on apprend dans la rencontre avec l’autre, et d’où l’on repart enthousiaste et confiant vers son lieu de vie, là où le Seigneur nous a planté pour y être ses témoins.
Très chers diocésains et diocésaines, c’est à vous tous et toutes que je m’adresse, à présent, en ce moment solennel. Je compte sur l’investissement de chacun de vous sur la qualité de ce qui s’y vivra, la qualité d’accueil, d’écoute, de parole qu’on y trouvera. Si ce beau site meudonnais est docile, les êtres humains sont bien plus complexes, et le vivre ensemble reste à inventer perpétuellement. Je ne ménagerai ni peine ni effort pour voir un jour ce siège devenir un haut-lieu de foi et de culture, chargé d’un patrimoine aussi riche que précieux, et un lieu de rassemblement harmonieux, fraternel, convivial et ecclésial.
En ce moment solennel, je lance les journées de Beit-Maroun à Meudon. Elles consistent à promouvoir la préservation et la conservation du Patrimoine, à le faire valoir, et à le faire diffuser. Nous avons l’ambition de nous faire connaitre par notre culture et notre foi.
Ensemble, nous allons bâtir notre avenir dans ce continent européen, ensemble nous allons préparer l’avenir de vos enfants, sur cette terre hospitalière, enracinés dans notre identité syriaque d’Antioche, dotés de notre parfum oriental, mais également ouvert à l’Eglise de France, et d’Europe, ouvert aux valeurs de la France et de l’Europe avec lesquelles nous comptons approfondir les contacts et nous faire connaitre… ».
Sa Béatitude a procédé ensuite à la bénédiction du lieu ; puis il a remercié Mgr Gemayel et l’a encouragé à aller de l’avant dans sa vision et « à faire de cette maison un lieu de rassemblement et de rayonnement spirituel et culturel ».
Un déjeuner attendait tout le monde dans les jardins de la maison.
A 19h30, Sa Béatitude a donné la catéchèse à la chapelle Notre-Dame de l’Assomption à Meudon.
Lundi 27 avril 2015
A 11h00, Sa Béatitude est accueilli au Palais du Luxembourg par le Président du Sénat, M. Gérard Larcher.
A 13h00, une réception officielle est donnée à l’ambassade du Liban en l’honneur de Sa Béatitude. Les Libanais de toute classe et confession y sont conviés, en présence du Ministre libanais des Affaires étrangères, M. Gebran Bassil.
Le Chargé d’affaires, M. Ghadi El-Khoury, prend le soin de prononcer le mot d’accueil en insistant sur le rôle historique du Patriarcat maronite et du Patriarche dans la constitution du Liban et dans la convivialité islamo-chrétienne qui le caractérise dans la liberté et le respect.
M. le ministre Bassil prend ensuite la parole pour insister sur le fait que son ministère « tient à cœur de faire tout son possible pour inscrire les Libanais de l’étranger et redonner la nationalité à ceux qui l’ont perdu pour plusieurs raisons ». « Il est plus urgent de redonner la nationalité à nos concitoyens, à n’importe quelle confession qu’ils appartiennent, plutôt que de la donner aux réfugiés palestiniens ou syriens, dont nous avons le devoir moral et humain de les accueillir et de subvenir à leurs besoins humanitaires et de les aider à regagner au plus vite leur terre et leur pays ».
Sa Béatitude conclue en insistant à ce qu’a dit le ministre Bassil et en l’encourageant à poursuivre ses efforts en faveur de tous les citoyens libanais. « Le Liban est un Pays message dans la liberté, la démocratie, la convivialité et l’unité dans le respect des diversités ; et il doit le rester ».
Un déjeuner à été offert à tout le monde après que Sa Béatitude eut salué personnellement tous les présents.
A 17h00 : Nous sommes reçus au siège de la Conférence des Evêques de France à Paris. S. Exc. Mgr Michel Dubost, Evêque d’Evry-Corbeil-Essonnes, est chargé de nous accueillir. Il était accompagné de Mgr Michel Santier Evêque de Créteil, de Mgr Georges Gilson Evêque émérite de Sens-Auxerre, et de Mgr Pascal Gollnisch Directeur de l’Oeuvre d’Orient qui est « un trait d’union entre l’Eglise en France et les Eglises orientales » come l’a présenté Mgr Dubost. Après un temps de prière commune à la chapelle, nous nous sommes retrouvés au grand salon. Après les présentations, Mgr Dubost a ouvert la séance. Voici l’essentiel de ce qui a été dit :
Mgr Dubost : Nous sommes heureux que vous soyez là, Béatitude. J’ai eu l’honneur de parcourir le Liban et de le connaître un peu. Le Liban est aussi une culture, une liturgie, un message. Nous parlons du Liban comme d’un pays que nous aimons comme nous aimons la France. Nous vous accueillons en frères. Les Maronites sont pour nous des frères que nous avons eu l’honneur de découvrir la tradition. Vous êtes pour nous Béatitude celui qui représente une paix possible pour le Liban. Je considère que le Liban est encore en hiver, mais vous êtes le printemps de ce Liban.
Patriarche Raï : Nous sommes ici pour renouveler nos liens d’amitié. Nous sommes heureux d’avoir un évêque maronite au sein de la Conférence des Evêques de France. Nos fidèles maronites s’intègrent facilement dans vos paroisses françaises ; mais nous avons une Eglise sui iuris ; nous avons une histoire, une culture, un patrimoine et un héritage. Nous souhaitons que nos fidèles conservent leur patrimoine syro-antiochien au sein de l’Eglise universelle.
Le Liban est la patrie spirituelle pour tous les Maronites là où ils se trouvent.
Ces Maronites ont réussi avec leurs concitoyens musulmans à fonder un pays message qui respecte les différences et garantit la liberté et les statuts de chaque communauté. Ceci est reconnu dans la Constitution.
Les Maronites et la France ont une histoire commune depuis Saint Louis. Nous voulons que l’Eglise de France et les Français connaissent mieux cette histoire et l’importance des chrétiens d’Orient et de leur message de paix, de liberté, de pacification et de convivialité.
Nous dénonçons le silence international face à ce qui se passe dans nos pays avec l’Etat islamique de Daesh et les autres factions fondamentalistes. Sa Sainteté le Pape François a dénoncé, il n’y a pas longtemps, le silence complice de l’Occident face aux massacres et aux destructions systématiques par l’œuvre du terrorisme des ces factions. La coalition internationale a laissé faire, et elle se met à traiter avec Daesh comme s’il était un Etat. La France ne peut pas suivre les autres puissances internationales. Elle doit se démarquer par une prise de position claire en faveur des chrétiens d’Orient. Nous ne pouvons pas être laissés à la merci des fondamentalistes et des intérêts des Grandes puissances. Nous sommes dans l’angoisse ; la France est responsable de nous enlever cette angoisse. Nous voulons vivre avec les musulmans et leur transmettre nos valeurs. Nous subissons depuis des années les conséquences des conflits au Moyen-Orient, à commencer par celui palestinien qui est la matrice de tous les autres conflits.
On ne peut pas considérer les chrétiens d’Orient comme minorités. C’est l’Eglise du Christ qui témoigne sur sa terre natale. Nous transmettons les valeurs chrétiennes, humaines et culturelles ».
Le soir, un dîner est donné en l’honneur de Sa Béatitude par la Fondation maronite pour l’Expansion.
Mardi 28 avril 2015
A midi, Sa Béatitude est accueilli au Palais de l’Elysée par le Président de la République M. François Hollande. Il était accompagné de S.Exc. Mgr Samir Mazloum, de S. Exc. Mgr Maroun Nasser Gemayel et de son vicaire général Mgr Raymond Bassil, du chorévêque Mgr Emile Chahine et du chargé d’affaires à l’ambassade du Liban M. Ghadi El Khoury et du maître Walid Ghayad. Il a eu un avec le président un tête-à-tête de quarante-cinq minutes au cours duquel il lui a présenté un Memorandum en quatre points : la crise régionale et son influence sur la présence chrétienne au Moyen-Orient ; ses répercussions sur le Liban et la demande d’aide de la France pour la dépasser ; le vide présidentiel ; les relations entre la France et le Patriarcat maronite, et par la suite la récupération des bourses universitaires octroyées au Patriarcat et le soutien du Foyer Franco-libanais et des Libanais qui rencontrent des difficultés sur le territoire français.
A l’issue de la rencontre, le service de presse de la Présidence de la République a fait publier le communiqué suivant :
« Le Président de la République a reçu ce jour sa Béatitude Béchara BOUTROS RAÏ, Patriarche du Liban, d’Antioche et de tout l’Orient. Le Président de la République et le Patriarche du Liban ont abordé la situation dramatique des minorités dans la région, et en particulier des chrétiens d'Orient, pour la protection desquelles le Président a réitéré son ferme engagement.
Il a fait part de la détermination de la France à poursuivre son aide au Liban face à la crise des réfugiés et aux répercussions du conflit en Syrie.
Le Président de la République a présenté ses vœux à l’Eglise maronite à l’occasion de la création de la nouvelle éparchie maronite de France. Il a marqué la profondeur historique des liens qui unissent la France au Liban, et tout particulièrement à la communauté maronite et à son Eglise ».
De l’Elysée, Sa Béatitude s’est dirigé directement vers l’aéroport du Bourget pour prendre l’avion pour Beyrouth.
Alors que moi-même je prenais l’avion pour Bari où je devrai représenter Sa Béatitude à la Conférence internationale sur « l’avenir des chrétiens du Moyen-Orient » organisée par le mouvement Sant’Egidio.
+ Mounir Khairallah
Evêque de Batroun