Séjour de Mgr Lebrun au Liban, 24-27 octobre 2013
Jeudi 24 octobre 2013
A 18h00, je préside la réunion mensuelle du Conseil diocésain pour les affaires économiques. Nous discutons des questions courantes, mais aussi et surtout de la vision d’avenir du développement de notre diocèse et de notre département et des projets à prévoir pour contribuer à attacher notre peuple à sa terre et à trouver des emplois pour nos jeunes.
Nous terminons par un dîner.
A 21h40, je quitte Kfarhay pour l’aéroport de Beyrouth où je dois accueillir S. Exc. Mgr Dominique Lebrun, évêque de Saint-Etienne, diocèse français jumelé avec le nôtre, qui doit prendre part à la séance d’ouverture de notre synode diocésain. L’avion a pris du retard ; il n’est arrivé qu’à 2h50. Nous étions déjà le vendredi. Je l’ai accueilli et nous sommes venus ensemble à Kfarhay où il logera avec nous durant son court séjour.
Samedi 26 octobre 2013
Durant la matinée, nous sommes partis, Mgr Lebrun, Mgr Saadé et moi-même, refaire le même itinéraire que nous avions fait le samedi 12 octobre avec les membres du synode diocésain, celui du retour aux sources spirituelles ; c’est à Hardine. Mgr Lebrun a eu l’occasion de connaître encore mieux l’âme de notre Eglise maronite et son identité.
L’après-midi, c’était le rendez-vous de l’ouverture du synode diocésain.
A 15h30, les invités commencent à arriver à l’Université de la Sainte Famille de Batroun. En tête desquels S.Exc. Mgr Paul Emile Saadé, délégué de Sa Béatitude le patriarche cardinal Béchara Raï ; S. Exc. Mgr Gabriele Caccia, Nonce apostolique au Liban ; NN.SS. les évêques Youssef Béchara, Paul Matar, Youssef Dargham, Michel Aoun, Maroun Ammar, l’Archimandrite Antonios Saad représentant Mgr Georges Khodr métropolite grec orthodoxe de Batroun et Jbayl, cheikh Mahmoud Nahman représentant la communauté sunnite de Batroun, et cheikh Rida Ahmad représentant la communauté chiite. Il y a ensuite les officiels : les représentants du ministre Gebran Bassil, et des députés Boutros Harb, Antoine Zahra et Samer Saadé ; le Caïmacam (sous-Préfet), les Maires du département ; ainsi que les membres du synode, clercs et laïcs, présidents et membres des Conseils et commissions diocésains, et les experts. Nous étions en tout 184, pour un total de 215 invités. A l’accueil nous avons une équipe bien entraînée qui inscrit les arrivants et distribue le livre des textes du Synode Patriarcal Maronite (1000 pages, que j’ai réédité pour l’occasion) et le dossier du synode contenant : le guide du synode, l’icône de la devise du synode avec la prière, la première lettre pastorale de Mgr Khairallah du 2 mars 2013 (rééditée pour l’occasion, car la première édition est épuisée).
16h30, la séance est ouverte par la prière que préside le délégué de Sa Béatitude. Nous passons sur grand écran le film (4,57 minutes) sur le synode diocésain préparé pour l’occasion par deux journalistes du diocèse.
A introduire les intervenants ce fut Mme Laure Sleiman Saab (la femme du Père Pierre Saab curé de la cathédrale et économe diocésain), présidente de la commission diocésaine d’information et directrice de l’Agence Nationale d’information.
C’est Mère Gabrielle Bou Moussa, supérieure générale de la congrégation des Sœurs de la Sainte Famille Maronites, qui nous accueille dans son université.
Tous les mots passent simultanément sur grand écran en Power point.
Mgr Samir Hayek, membre du secrétariat général, lit la lettre de Sa Béatitude pour le synode adressée à « Mgr Mounir Khairallah, archevêque de Batroun, aux membres du synode diocésain – prêtres, religieux, religieuses et fidèles – participants au synode ». Sa Béatitude affirme que le Synode Patriarcal Maronite, que nous essayons d’appliquer dans notre diocèse de Batroun, s’appuie sur trois piliers : « l’identité, le renouveau et le projet de la mission future de l’Eglise maronite ». Et il développe le sens de chaque pilier. (Lire par ailleurs la traduction du texte intégral de cette lettre).
C’est mon tour ensuite de lire ma lettre que j’adresse aux « très chers fils et filles du diocèse de Batroun » à l’occasion de l’ouverture du synode diocésain, intitulée : « le synode diocésain - Définition, objectifs et dimensions théologiques et ecclésiales ». J’essaie d’expliquer ce qu’est un synode diocésain, quels sont ses objectifs qui visent à appliquer les recommandations du Synode Patriarcal Maronite dans notre diocèse de Batroun ; puis je présente le mécanisme et la méthode de travail. (lire par ailleurs la traduction du texte intégral de cette lettre).
C’est ensuite au tour du secrétaire général, Dr Nabil Khalifé, de présenter la vision du synode du diocèse de Batroun, « Eglise de la nation des paysans », selon le terme du Père Youakim Moubarac. Dr Khalifé présente les tenants et aboutissants de la tenue d’un synode diocésain dans la région de Batroun et donne la vision ultime de ce synode. (Lire par ailleurs la traduction du texte intégral de l’intervention du Dr Khalifé).
Enfin le secrétaire du synode, M. Youssef Sarkis, résume la période préparatoire du synode, et s’arrête sur trois points : le calendrier, le guide et la méthode de travail.
1) Le calendrier du synode diocésain se répartit sur quatre sessions :
La première correspond à la séance d’ouverture du synode qui se tient aujourd’hui et qui lance le travail des commissions.
La deuxième session sera tenue en octobre 2014. La troisième en avril 2015 et la quatrième et dernière en octobre 2015.
2) Le guide du synode qui est distribué à l’entrée de cette séance contient :
- La prière du synode qu’il serait bon de réciter au cours de nos célébrations ;
- La lettre de Sa Béatitude le patriarche Raï ;
- La lettre de S. Exc. Mgr Khairallah ;
- Le mot du secrétaire général ;
- Le mot du secrétaire ;
- La liste des conseils et commissions participant au synode ;
- Les thèmes choisis du Synode Patriarcal Maronite pour être traités dans le synode et appliqués dans le diocèse dans le but d’effectuer le renouveau exigé ;
- Le formulaire d’enquête ou questionnaire de participation au synode adressé à tous les diocésains de Batroun pour recueillir leurs opinions et leurs propositions.
3) La méthode de travail adoptée pour le synode.
Après le choix des thèmes, le comité central et le secrétariat général ont désigné pour chaque thème un expert et l’ont chargé de travailler avec une équipe à l’élaboration du thème et à l’application des recommandations du Synode Patriarcal Maronite dans le diocèse de Batroun.
Au cours des deux années que durera le synode, les experts travailleront avec leurs commissions à faire circuler le questionnaire et à recueillir les opinions et propositions des diocésains de toutes les classes et à tous les niveaux. Ils choisiront ensuite les recommandations qui correspondent à notre diocèse et rédigeront les modalités d’application adéquates. Ils présenteront ensuite leurs textes au secrétariat général et au comité central où ils seront discutés puis présentés à la deuxième session synodale pour être discutés et amendés. Ils recueilleront les remarques et réécriront leurs textes qui seront présentés à la troisième session. Et enfin à la quatrième session, ils seront discutés puis votés par les membres du synode en vue de les appliquer dans le diocèse.
Entre temps, le secrétariat général, le comité central et les différentes commissions animeront des activités spirituelles, ecclésiales, sociales et culturelles pour engager tout le monde dans la démarche synodale diocésaine.
A la fin de la séance, tout le monde est invité à une réception, dans le jardin intérieur de l’université, où l’on pouvait s’échanger ses premières impressions sur l’événement. La satisfaction était lisible sur tous les visages pour la bonne organisation, le travail de groupe et la répartition des charges. C’est un début encourageant. Merci Seigneur.
Dimanche 27 octobre 2013
Je suis en visite pastorale dans l’une des paroisses les plus éloignées, celle de Ram, dans la haute montagne à 1.300 m d’altitude ; un tout petit village qui ne compte guère plus d’une quinzaine de familles. Les paroissiens sont déjà descendus vers le littoral, Jbeil ou Beyrouth, pour la scolarisation de leurs enfants et pour leur travail. Le village se vide l’hiver, à l’exception de quelques familles qui vivent de leur terre. Mais ils sont revenus, avec le beau temps, pour la Messe de la fin de l’été avec leur évêque.
Mgr Dominique Lebrun m’accompagne.
A l’entrée du village, il était 11h30, l’accueil des paroissiens était chaleureux. Le curé, P. Youhanna Mrad, et le Maire, Tony Saadé, un cousin, sont à la tête du cortège. Nous saluons tout le monde, puis nous entrons à l’église pour la Messe. Malgré leur petit nombre,
Ils chantent la Messe avec un enthousiasme inouï ; ils ont de belles voix en plus.
Ce dimanche est celui du Christ-Roi et le dernier de l’année liturgique. Après la lecture de l’Evangile du jour, celui du Jugement dernier (Mt. 25, 31-46), je commente l’enseignement de Jésus en l’appliquant sur notre vie de chrétiens aujourd’hui et en insistant sur la charité à vivre avec les frères de Jésus, ceux qui ont besoin d’être aimés. Je parle aussi de nos ancêtres qui ont su vivre la solidarité et la charité et qui se sont sanctifiés en vivant dans l’austérité de nos montagnes mais dans la dignité. Je rappelle aussi les activités de ma première année pastorale (1977-1978) où je donnais une attention particulière aux paroisses éloignées, dont celle de Ram ; les plus anciens s’en souviennent.
A la fin de la Messe, avant la bénédiction finale, Mgr Lebrun n’a pu retenir son étonnement ; il s’est adressé aux paroissiens par ces mots :
« Je suis impressionné par ce que j’ai vu :
Impressionné par la grandeur de votre paroisse, qui est pourtant toute petite.
Impressionné par la présence de jeunes et d’enfants, bien que vous soyez une toute petite paroisse.
Je suis impressionné par vos belles voix et votre enthousiasme à servir la Messe et vivre en Eglise.
Je suis également impressionné par quelque chose que vous n’avez pas vu :
La joie de votre pasteur qui, en nous approchant de votre village, grandissait de plus en plus. Il se rappelait les premières années de son ministère presbytéral lorsqu’il venait chez vous pour des activités pastorales.
Je prie pour vous, pour votre diocèse et pour votre Eglise maronite. Merci ».
Après la Messe, nous sommes passés au salon paroissial où l’on nous avait préparés une réception digne de leur hospitalité ! Les petits et les grands s’affairaient pour nous servir à boire et à manger le bon gâteau. Tout le monde voulait partager les préoccupations de l’heure mais aussi la joie d’être là.
A 13h50, nous sommes passés chez le maire où l’on nous attendait pour le déjeuner, plutôt un festin, auquel étaient conviés des amis du village.
A 15h30, j’étais attendu au couvent Saint Joseph de Jrabta pour la célébration de la pose de la première pierre du projet d’une Maison de repos au nom de Sainte Rafqa, dont le financement est assuré par un bienfaiteur de la région.
A 15h45, je préside l’Eucharistie en plein air, sur le lieu même de la maison de repos. LL. Exc. Mgr Dominique Lebrun, Mgr Paul Emile Saadé et Mgr Joseph Dargham étaient à mes côtés, ainsi qu’une dizaine de prêtres, la supérieure générale des Moniales Libanaises Maronites (la congrégation de Sainte Rafqa), les sœurs du couvent Saint Joseph, et une centaine d’invités, dont le ministre Gébran Bassil, les représentants des députés, le sous Préfet. La Messe est chantée par la chorale de Sainte Rafqa.
Dans mon homélie, j’attire l’attention sur le fait que ce projet correspond bien aux enseignements de Notre Seigneur Jésus Christ dans l’évangile du Jugement dernier qui nous explique que :
« 1- Un jugement dernier nous attend tous, et personne n’y échappe.
2- Le critère du jugement dernier est la charité.
3- Les actions de charité que nous faisons à l’un des frères de Jésus, nous les faisons à Jésus lui-même ».
« C’est la logique de Jésus ; et l’Eglise l’a bien compris et y a fondé sa doctrine sociale. Le Bienheureux Jean-Paul II nous appelait, dans son Exhortation apostolique Une espérance nouvelle pour le Liban (1997) à ‘poursuivre et à développer des gestes concrets de solidarité et de partage, dans tous les domaines de la vie sociale, confirmant ainsi le principe de la destination universelle des biens de la terre et l’option préférentielle pour ceux qui sont démunis’ (N° 102). Le Pape Benoît, à son tour, dans son Exhortation apostolique l’Eglise au Moyen-Orient, nous rappelle que ‘le Christ Jésus s’est fait proche des plus faibles. Guidée par son exemple, l’Eglise œuvre au service de l’accueil des enfants dans des maternités et des orphelinats, de celui des pauvres, des personnes handicapées, des malades et de toute personne nécessiteuse afin qu’elle soit toujours mieux insérée dans la communauté humaine’ (N° 90) ».
« Et ceux qui contribuent à la réalisation du projet de la Maison de Rafqa pour l’accueil des personnes âgées ont compris la logique de Jésus et essayent de la mettre en pratique ».
A la fin de la Messe, Mgr Lebrun a eu un mot à dire en donnant un témoignage poignant :
« Cher frère, Monseigneur Mounir,
Chers frères dans l’épiscopat, chers Pères,
Monsieur le ministre, mesdames et messieurs les hautes autorités,
Chère Mère supérieure et chères sœurs,
Chers amis bienfaiteurs,
Chers frères et sœurs,
C’est une grande joie et une grande émotion d’être avec vous aujourd’hui, et je crois une occasion de grandir encore dans ma foi. De là où je suis, je vois la nature, vos montagnes, et le chantier qui commence : en somme, l’œuvre de Dieu et l’œuvre des hommes. C’est cela qui permet à un peuple, à une nation, à une communauté, de maintenir sa culture. La culture de la communauté maronite en particulier, peut-être plus que toute autre, a su se construire sur l’œuvre de Dieu et sur l’œuvre des hommes, en n’oubliant pas que l’œuvre de l’homme demeure toujours soumise à l’œuvre de Dieu, laissant la place ainsi pour un avenir, pour des nouveautés que la Providence vient nous apporter.
Rendons grâce à Dieu. Je Lui rends grâce profondément pour cette rencontre qui m’est offerte et qui est offerte à mon diocèse de Saint Etienne, de rencontrer ainsi la culture de la communauté maronite, et plus largement la nation libanaise, qui rayonne à travers le monde.
Et je voudrais vous apporter ici un témoignage qui date du début de cette semaine, lundi dernier. J’étais en Algérie, à Annaba, Hippone, la ville de Saint Augustin ; je représentais les Evêques de France pour la restauration de la grande basilique consacrée à Saint Augustin. Le lendemain, Mgr Paul Desfarges, évêque d’hippone (originaire du diocèse de Saint Etienne), m’a invité avec quelques ’amis de Saint Augustin’ ; c’est le nom qu’il donne à ces hommes et ces femmes qui ont commencé leur itinéraire spirituel dans l’Isalm et qui le poursuivent dans la rencontre avec Jésus et avec l’Evangile. L’un d’entre eux m’a raconté son histoire. C’est un professeur d’université qui, comme l’a dit hier d’une manière excellente le secrétaire général du synode diocésain, savait dans son cœur que son humanité, l’amour qu’il désirait pour elle, ne pouvait pas s’épanouir seulement dans l’esclavage d’un texte. Alors il s’est mis à chercher. Grâce à l’internet, il a rencontré le début d’une exégèse du livre qui était le sien jusqu’à présent, le Coran. Il a commencé à comprendre qu’il y avait peut-être autre chose. Puis, continuant sa recherche, toujours grâce à l’internet, il est tombé sur un programme d’une télévision libanaise dans la langue qu’il comprend, l’arabe ; et c’était un programme sur Sainte Rafqa. Et il découvre cette femme dont on dit qu’elle souffrait beaucoup, et que par sa foi et son union au Christ elle rayonnait de bonheur. Il a alors trouvé que l’amour qu’il cherchait dans son cœur était là. Il a découvert que la souffrance, comme on lui avait toujours appris, ne s’arrêtait pas à un signe de malédiction ; mais à travers la souffrance et les épreuves, Dieu pouvait venir creuser en l’homme une source de bonheur à partager avec les autres.
Sainte Rafqa a été la porte qui l’a ouvert sur l’Evangile et sur le Christ. Cet homme a pris un nom chrétien et a été baptisé à Pâques dernier.
Sainte Rafqa rayonne au-delà des frontières et sans doute dans bien des cœurs que nous ne connaissons pas.
Alors je rends grâce à Dieu. Je rends grâce pour celles qui sont autour de Sainte Rafqa et qui permettent à son message de se poursuivre. Je rends grâce également pour ceux qui, grâce à l’œuvre qui commence aujourd’hui, vont ainsi permettre aux personnes âgées de profiter de la vraie source, la source de l’amour, malgré et à travers la souffrance et les efforts imposés par l’âge et la maladie.
Sans doute Sainte Rafqa est-elle aussi un symbole fort de ce diocèse et de ce pays, qui savent qu’à travers la souffrance, à travers l’épreuve, ils peuvent construire sur le roc, c'est-à-dire sur l’amour, son avenir ».
Après la Messe une réception est donnée pour l’occasion. Mgr Lebrun a profité pour saluer tout le monde et répondre aux questions.
Nous sommes ensuite descendus au couvent pour prier sur la tombe de Sainte Rafqa et demander son intercession pour nos deux diocèses.
Nous sommes rentrés à Kfarhay pour dîner et dormir un peu. Et à 4h00, j’ai accompagné Mgr Lebrun à l’aéroport de Beyrouth d’où il devra prendre l’avion pour rentrer en France.
Merci Seigneur pour toutes ces grâces.
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