Visite de Mgr KHAIRALLAH à Balamand, avec un groupe de Prêtres
Samedi 18 janvier 2014
Pour la première journée de la semaine de prières pour l’Unité des Eglises, nous avions décidé une excursion avec les prêtres du diocèse vers l’abbaye de Balamand, lieu symbolique pour les orthodoxes antiochiens.
J’ai présidé la délégation. A 10h00, nous étions déjà sur place. S. Exc. Mgr Ghattas Hazim, Supérieur de l’abbaye et neveu du feu patriarche Ignace IV Hazim, nous a accueillis avec certains de ses prêtres. Pour commencer, il nous a amenés à l’église où nous avons prié ensemble pour l’unité de nos Eglises et nous avons chanté notre action de grâce pour cette rencontre en arabe et en syriaque.
Il nous a ensuite entretenus de l’histoire de l’abbaye. C’est l’ancienne abbaye de Belmont qui fut fondée par les Cisterciens en 1157. Les Orthodoxes l’ont pris après la chute du royaume latin en 1291 par les Mamelouks ; et ils disent l’avoir reçu en restitution ; peut-être en effet occupe-t-elle l’emplacement d’un ancien monastère byzantin. Mgr Hazim nous a fait visiter des vestiges byzantins dans le sous-sol. Et c’est le patriarche Hazim qui l’a restaurée, au temps où il était vicaire patriarcal ; puis il a fait construire, en tant que patriarche, la faculté de théologie et l’université.
Après un tour guidé qui a duré près d’une heure, nous nous sommes retrouvés au salon pour un échange ouvert et fraternel. Voici l’essentiel des deux interventions de Mgr Hazim et de Mgr Khairallah :
Mgr Hazim : dans une rencontre comme celle-là, les cœurs s’ouvrent à une connaissance plus profonde et une reconnaissance mutuelle. Et c’est ce qui nous intéresse plus que les sermons et les causeries. C’est l’unité vécue. « Si vous vous aimez les uns les autres, le monde saura que vous êtes mes disciples », nous dit Jésus. Ce que Jésus nous demande, c’est de nous aimer les uns les autres pour témoigner de Notre Seigneur Jésus Christ présent parmi nous.
Nous rendons grâce à Dieu pour nos patriarches qui ont déjà fait un long chemin ensemble vers le rapprochement et l’ouverture des cœurs. C’est le témoignage que donnent les rencontres fréquentes entre les patriarches Raï et Yazigi, comme c’était le cas entre les patriarches Sfeir et Hazim. C’est aussi le cas lorsque les patriarches, catholiques et orthodoxes, se retrouvent dans le cadre du Conseil des Patriarches Catholiques d’Orient pour étudier des questions pastorales. C’est une bouffée d’oxygène et un encouragement pour nos peuples.
Nous vivons dans un monde musulman. Si nous n’étions pas capables de nous retrouver pour un dialogue sincère et profond, nous irions vers notre disparition. Nous sommes au sein d’une période cruciale de notre histoire ; il nous est demandé de nous unir et de nous aimer. Mais que veut dire pour nous être unis ? Est-ce de nous confondre dans une seule Eglise ?
Mgr Khairallah : Le concept d’unité se manifeste pour nous dans la diversité et le pluralisme ainsi que dans le respect de nos traditions au sein de l’unique Eglise du Christ et au sein de l’Eglise d’Antioche à laquelle nous appartenons.
Saint Paul explique l’unité dans la diversité en se référant à l’image du corps :
« En effet, le corps est un, et pourtant il a plusieurs membres ; mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps : il en est de même du Christ. Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour être un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres. Le corps ne se compose pas d’un seul membre mais de plusieurs » (1 Cor. 12, 12-14).
Ce concept d’unité peut être compris aussi dans l’enseignement que donne Notre Seigneur Jésus Christ sur le mariage : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni !» (Mt.19, 5-6).
Les deux deviennent une seule chair ; cela ne veut pas dire qu’ils fusionnent en un seul corps ou une seule personne, mais qu’ils s’unissent pour vivre ensemble dans le respect mutuel de leurs particularités.
C’est ainsi que nous comprenons l’unité dans nos Eglises antiochiennes qui se réfèrent au même patrimoine antiochien un et divers, syriaque ou grec. Et c’est ainsi que nous comprenons l’unité de l’Eglise du Christ dans les différentes appartenances culturelles, liturgiques et historiques. Même l’Eglise de Rome, et surtout après le Concile Vatican II, comprend que l’unité ne veut pas dire que les autres Eglises doivent revenir à l’unité avec elle, mais qu’elles s’unissent dans l’Unique Eglise du Christ qui témoigne de sa présence par des expressions et des sensibilités différentes. Unité ne veut pas dire uniformité.
Mgr Hazim : Au cours de notre histoire, nous avons confessé un faux concept de l’unité qui nous poussait à devenir catholiques. Aujourd’hui, l’évolution est positive. J’ai lu dernièrement un article dans la revue Al-Machreq du Père Samir Khalil, jésuite, où il dit : les Eglises catholiques orientales (Uniates) sont nées à partir du XVIIIème siècle pour servir de pont pour le passage des Eglises orthodoxes vers le catholicisme et vers l’unité avec Rome. Ce projet a échoué ; il est même devenu un obstacle pour l’unité.
Historiquement, nous appartenons au patrimoine antiochien, syriaque et grec. Et ce patrimoine n’a jamais été un, mais divers. L’Eglise d’Antioche a été connue par sa diversité sans être cause de division et a enrichi l’Orient et l’Occident par son patrimoine grec et syriaque. Et c’est ce patrimoine qui nous unit aujourd’hui.