Journal Père Mounir 13 sept 2015. docx

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Dimanche 13 septembre 2015, 21h50

 

Très chers amis,

En ce jour anniversaire de mon ordination presbytérale (13 septembre 1977) et anniversaire du martyr de mes parents (13 septembre 1958), je m’entretiens avec vous après un long silence dû à la situation critique au Liban et dans les pays du Moyen-Orient, notamment la Syrie et l’Irak, où le problème du flux des réfugiés inquiète tout le monde.
C'est la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix, la croix glorieuse de Jésus Notre Seigneur.

C’est le mystère de l’Amour qui s’est exprimé par le sacrifice du Fils de Dieu Jésus Christ sur la croix juste pour nous montrer que Dieu Notre Père nous aime jusqu’au bout et sans limite !

Symboliquement c’est le mystère du « grain de blé qui tombe en terre et meurt pour donner du fruit en abondance » (Jean 12,24).

C'est une grande fête pour nous au Liban et en Orient, et spécialement en cette période où nous, chrétiens, rencontrons de dures persécutions et le péril de quitter notre terre, la terre de Jésus. Non ! Nous resterons ici témoins de l'Amour de Dieu pour tous les hommes, témoins du pardon de Jésus Notre Seigneur, accordé même à ses bourreaux. C’est en ce jour, il y a 57 ans, où j’ai appris par ma tante religieuse à pardonner à celui qui a assassiné mes parents ! Comment l’oublier, et mon ministère presbytéral a commencé ce même jour en prenant la devise du pardon !

Nous resterons ici les artisans de paix, de réconciliation et de respect de tout homme créé à l'image de Dieu. C’est notre vocation et c’est notre mission !

J’ai à vous entretenir de trois sujets qui me semblent importants dans la situation actuelle :

La situation du Liban et les manifestations des derniers jours,

La question des réfugiés qui inquiète l’Europe en ce moment,

La démarche du synode diocésain et les initiatives synodales.

 

1)Concernant les nouvelles du Liban, elles ne sont pas encourageantes.

Les manifestations organisées le dimanche 23 et le samedi 29 août au cœur de Beyrouth, mobilisant des dizaines de milliers de citoyens, constituent un premier mouvement réussi mené par la société civile libanaise, loin de toute appartenance partisane ou communautaire. C’est une expression du ras-le-bol des Libanais exaspérés par la dégradation du niveau de vie et de la corruption dans les institutions de l’Etat.

C’est le problème des ordures qui a déclenché le mouvement de protestation après la publication de rapports accablants sur des fuites de centaines de millions de dollars enfouis dans les poches des responsables depuis une vingtaine d’années !

Les jeunes qui sont derrière cette mobilisation appartiennent à trois mouvements appelés : « Vous puez », « Nous réclamons des comptes » et « A la rue ».

Le souci principal de ces mouvements est une solution au problème des ordures. « Le régime essaie de montrer que le problème est technique, alors que tel n’est pas le cas. C’est une affaire de corruption qui dépasse toute imagination, un gâteau que le pouvoir se partage », selon l’un d’eux.

Ces jeunes réclament ensuite : « la chute du régime », « la démission du ministre de l’Environnement », « l’élection d’un président de la République » et « le jugement des responsables de la corruption ».

Ces manifestations ont secoué les responsables politiques qui se sont concertés. Ce qui a amené le président de la Chambre M. Nabih Berry à convoquer de toute urgence les leaders des partis et des groupes parlementaires à la tenue d’un dialogue le mercredi 9 septembre. Ils ne se décident pas à se retrouver pour élire un président de la République dont le siège est vacant depuis près d’un an et demi ! Vont-ils réussir maintenant qu’ils sont coincés par la société civile ?

 

2) Les nouvelles du Moyen-Orient ne sont pas meilleures. Mais c’est surtout la question des réfugiés qui inquiète maintenant l’Europe, après nous avoir inquiétés pour des années et continue de le faire. Le Liban accueille, à lui seul, un million cinq cent mille. Ce qui équivaut à 30 % de sa population !

Des dizaines de milliers de réfugiés frappent maintenant aux portes de l’Europe. On sent l’odeur d’un transfert de populations !

Est-ce le début d’un nouveau partage du Moyen-Orient comme ce fut le cas à la sortie de la Première Guerre mondiale ? Les Américains nous avaient promis, il y a quelques années, un nouveau Moyen-Orient avec les Printemps arabes !!! Qui ont tous mal tourné !

Face à l’afflux des réfugiés vers l’Europe fuyant la guerre et la mort à la recherche d’une terre où ils peuvent vivre dans la dignité, c’est l’Allemagne, par la voix de sa chancelière Angela Merkel, qui fait le premier pas et accepte d’accueillir un plus grand nombre. L’Autriche la suit. La France finit par vaincre sa réticence. L’Eglise aussi fait sentir sa voix.

C’est le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne et président de la Conférence épiscopale autrichienne qui a lancé le premier appel le 1er septembre après la mort de 71 réfugiés dans un camion frigorifique abandonné sur une autoroute entre la Hongrie et Vienne :

 « Ça suffit ! » Assez de morts, assez de souffrances, assez de persécutions. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur ce qui se passeÇa suffit ! Il est temps de nous réveiller de notre torpeur et de décider de faire face à ce qui est certainement devenu le plus grand défi humanitaire auquel l’Europe ait été confrontée au cours des dernières décennies. Cependant, nous ne réussirons que si nous travaillons ensemble : les différents pays, l’Union européenne, les municipalités, les confessions religieuses. Oui, nous devons admettre que ce sera difficile. Oui, nous devons nommer nos craintes et nos préoccupations. Mais nous détourner n’est plus une option. Ça suffit ! ».

 

Le Cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris le suit le 4 septembre :

La situation dramatique des réfugiés appelle un triple examen de conscience.

1-D’abord pour nous chrétiens. Un nombre important de chrétiens sont, je le sais, très mobilisés pour venir en aide aux migrants de toutes sortes de façons. La plupart des autres les regardent avec admiration mais ne savent pas toujours comment faire pour y participer. C’est pourquoi, dans la lettre que j’ai envoyée cette semaine aux prêtres et aux diacres de Paris, j’ai lancé un appel pour que les chrétiens se mobilisent encore plus et prennent part réellement à l’accueil de ces réfugiés.

2- Un examen de conscience pour certains responsables politiques qui, au lieu de mettre en œuvre une pédagogie qui permette aux gens de mieux comprendre ce qui se passe, se laissent entraîner dans une sorte de surenchère verbale. On se met à brandir l’épouvantail d’une invasion. L’Europe, avec plusieurs centaines de millions d’habitants, a la capacité d’accueillir, si on veut bien en prendre les moyens.

3- Troisième examen de conscience, un examen pour les médias qui nous ont donné pendant des mois et des mois des images de nature à faire peur et ne présentent que trop peu comment ces migrants pourraient être accueillis et reçus.

Il reste que la racine de cette tragédie est évidemment dans les souffrances et les crimes que les réfugiés essayent de fuir. La seule solution est une solution politique… L’Evangile nous presse d’accueillir l’étranger… On ne demande pas à chaque chrétien d’accueillir tous les réfugiés, on lui demande d’accueillir qui il peut accueillir et de faire ce qu’il peut faire ».

 

La Conférence des évêques de France a publié, le 4 septembre, après la mort du petit Aylan, 3 ans, sur une plage turque, un communiqué, précisant :

« C’est avec une très profonde tristesse que la Conférence des évêques de France a accueilli la nouvelle de la découverte de la dépouille d’Aylan, 3 ans, sur une plage turque.

Les images de cet enfant ont suscité une vive émotion compréhensible et partagée. Cette émotion est aussi celle provoquée par la mort du frère d’Aylan (5 ans) et de leur mère, eux aussi retrouvés sur la plage turque parmi les 11 personnes ayant péri dans ce naufrage. Et cette émotion est aussi celle des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants morts durant leur exode vers un monde meilleur que leur propre pays.

En juillet 2013, face au drame de Lampedusa, le pape François avait crié : « S’il vous plaît, que cela ne se répète pas ! La mondialisation de l’indifférence nous rend tous "innommés", des responsables sans nom et sans visage ».

Aujourd’hui, cela se répète…

la Conférence des évêques de France tient aussi à appeler tous les catholiques et hommes de bonne volonté à apporter leur soutien et à ouvrir leur cœur vers leurs frères afin que leur errance vers une meilleure vie ne les amène plus à la mort ».

 

Sa Sainteté le pape François a appelé dimanche 6 septembre, au cours de la prière de l’angélus, place Saint-Pierre, à un « geste concret » : « Devant la tragédie des dizaines de milliers de réfugiés qui fuient la mort à cause de la guerre et de la faim, et qui sont en chemin vers une espérance de vie, l’Évangile nous appelle et nous demande d’être “les prochains” des plus petits et des abandonnés, à leur donner une espérance concrète… Il ne suffit pas de dire “courage, patience… Je demande aux paroisses, communautés religieuses, monastères et sanctuaires de toute l’Europe d’exprimer la réalité de l’Évangile et d’accueillir une famille de réfugiés, comme geste concret en préparation à l’année sainte de la Miséricorde qui s’ouvrira le 8 décembre prochain ».

 

3) Enfin, concernant la démarche du synode diocésain, nous poursuivons notre travail au niveau des différentes commissions qui organisent des activités et des initiatives ayant pour objectif d’engager le plus grand nombre de diocésains dans la dynamique du renouveau. Je voudrais citer à titre d’exemple la commission des Jeunes, celle de la Famille, celle de la Femme, celle du dialogue islamo-chrétien, celle du renouveau des Prêtres, des religieux et religieuses, celle de l’Education et de l’Enseignement supérieur, celle du service social, celle du développement et de la question économique, celle du Patrimoine et du Tourisme religieux, …

Je voudrais rappeler deux initiatives bénies par Sa Béatitude le Patriarche Raï lors de sa visite pastorale dans notre diocèse le 23 mai dernier ; c'est-à-dire celle de l’Association sociale Saint Etienne (dont un orphelinat – un projet qui me tient à cœur du fait de mon expérience personnelle) à Mrah Chédid où les travaux vont commencer très bientôt, et celle du monument de la Croix géante à Ijdabra où les travaux ont déjà commencé et où je viens de célébrer la Messe pour mon double anniversaire avec plus d’un millier de personnes.

(Je vous invite à lire en attache à mon message le compte-rendu de la visite pastorale de Sa Béatitude le samedi 23 mai 2015).

 

Enfin, je vous redis toute mon amitié et je vous assure de mes prières, comme je compte sur les vôtres. Recueillons-nous un moment en cette nuit de la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, et prosternons-nous avec Marie sur les pieds de la croix devant Celui qui a été crucifié pour nous.

 

Père Mounir