Rapport de Mgr Khairallah Sur l’accueil des jeunes de Saint-Etienne à Batroun Du 16 au 23 juillet 2019

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Rapport de Mgr Khairallah

Sur l’accueil des jeunes de Saint-Etienne à Batroun

Du 16 au 23 juillet 2019

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Nous avons eu le plaisir et la grande joie, d’accueillir chez nous à Batroun du 16 au 23 juillet, un groupe de dix jeunes du diocèse de Saint-Etienne conduit par le Père Patrick Frenay, responsable de la pastorale des jeunes sur le diocèse, dans le cadre du jumelage qui unit nos deux diocèses depuis 1998.

Nous avions déjà commencé à préparer ce séjour, avec le comité de jumelage de Batroun, depuis l’année dernière, depuis notre dernier voyage à Saint-Etienne en octobre 2018.

Nous avons essayé d’établir un programme qui répond à leur demande et les invite à vivre une expérience spirituelle et ecclésiale intense chez les Maronites et avec les jeunes du diocèse de Batroun.

 

 

I-                  Programme du séjour

Des Jeunes de Saint-Etienne à Batroun (16-23 Juillet 2019)

 

Mardi 16/07/2019 - Accueil : P. Marcelino, P. Andrawos, Rémie.

-         20h40 : arrivée à Beyrouth

-         23h00 (prévu) : arrivée à l’évêché à Kfarhay.

 

Mercredi 17/07/2019 - Accompagnateurs : Mgr Mounir, P. Marcelino

-         7h00 : Départ pour la Vallée Sainte de Qannoubine pour participer à la fête de Sainte Marina : une Messe sera présidée par le Patriarche Cardinal Béchara Boutros Raï.

-         Installation dans les logements de l’ancienne résidence patriarcale (sac à couchage prévu) ; et après-midi avec les Sœurs Antonines qui dirigent les retraites spirituelles. Nuitée à la résidence N.D. de Qannoubine.

 

Jeudi 18/07/2019 - Accompagnateurs : Mgr Mounir, P. Marcelino

-         Journée spirituelle dans la Vallée Sainte ; visite à pied de l’ermite Père Dario Escobar à Hawqa.

-         L’après-midi et la nuit à la résidence N.D. de Qannoubine.

 

Vendredi 19/07/2019 – Accompagnateur : Rémie

-         8h00 : Départ pour une tournée autour de la Vallée sainte : Dimane (siège Patriarcal), Békaakafra (village natal de Saint Charbel), Bécharré (village natal de Khalil Gibran), les Cèdres, Ehden. Retour à Kfarhay.

 

Samedi 20/07/2019 : Batroun – Sur les pas des saints.

Accompagnateurs : Mgr Mounir, Rémie

-         8h30 : Départ pour le Couvent St. Joseph - Jrabta (Sanctuaire et tombe de Ste. Rafka - messe célébrée par P. Patrick).

-         11h00 : Couvent Saints Cyprien et Justine - Kfifane (tombes de St. Nématallah Hardini et Bienheureux Estéphan Nehmé) ; (possibilité de rencontre avec les novices de l’Ordre Libanais Maronite).

-         12h30 : Hardin – Les ermitages. (déjeuner chez Père Youssef Saleh).

-         15h00 : Tannourine (Balouh Balaa, visite de la ville, soirée avec les jeunes ; voir Père Pierre Tanios, curé). Retour à Kfarhay.

 

Dimanche 21/07/2019 – Accompagnateur : Rémie

-         9h00 - 17h00 : Participer à la Journée Diocésaine des Jeunes de Batroun (ateliers, partages, chants, messe finale) à Ibrine, tombe du Patriarche Elias Hoyek.

-         17h30 : visite de la ville de Batroun en vélo + soirée avec les Jeunes de Batroun.

 

Lundi 22/07/2019 – Accompagnateur : Atef

-         7h00 : Départ pour Annaya, Sanctuaire de Saint Charbel. Participation à la procession populaire (9h00) de l’Ermitage jusqu’au couvent, Messe, visite du couvent.

-         Visite de Jbeil (Byblos) : citadelle, Ancien souk.

-         Visite de Notre Dame Du Liban – Harissa. Retour à Kfarhay.

 

Mardi 23/07/2019 – Accompagnateurs : P. Marcelino

-         1h00 : départ de Kfarhay vers l’aéroport de Beyrouth.

-         4h20 : Vol de retour en France.

 

 

II-              Le rapport du séjour en détail

 

Mardi 16 juillet 2019

A 20h40, l’avion de la Turkish airlines en provenance de Lyon via Istambul attérrit à l’aéroport de Beyrouth. A la sortie, les Pères Marcelino Assal et Andrawos Tabchi et Rémie Kaddoum étaient là pour accueillir les onze hôtes. Ils les ont accompagnés jusqu’à l’évêché à Kfarhay où je les ai accueillis avec le vicaire général Père Boutros Khalil à 23h10 et où ils vont loger.  

Après la cérémonie d’accueil, ils sont allés se reposer.

 

Mercredi 17 juillet, fête de Sainte Marina

A 7h15, nous avons pris le car pour la Vallée sainte de Qannoubine. J’ai tenu à les accompagner avec Père Marcelino, qu’ils ont bien connu déjà en octobre 2014 alors qu’il était séminariste et en octobre dernier à Saint-Etienne pour, vivre avec eux une expérience spirituelle inédite aux sources de la spiritualité maronite.

A 9h15, nous étions déjà à la résidence patriarcale de Notre-Dame de Qannoubine au cœur de la Vallée sainte. Le monastère a été fondé durant la deuxième moitié du IV° siècle dans des grottes creusées dans le rocher pour accueillir des ermites et a servi de résidence aux patriarches maronites de 1440 à 1843. Nous avons le temps de déposer nos affaires avant de partir vers l’ermitage de Sainte Marina dont la fête très populaire chez les Maronites est célébrée aujourd’hui 17 juillet. C’est Sa Béatitude le patriarche Cardinal Raï qui présidera la Messe.

A 9h50, Sa Béatitude arrive à l’ermitage accompagné de S. Exc. Mgr Joseph Naffah, son vicaire pour la région de Jobbé, de son secrétaire P. Charbel Obeid et une foule de fidèles.    

Je suis allé à sa rencontre avec les jeunes français et les fidèles nombreux qui étaient venus plus tôt pour prendre part à la fête.

Dans son homélie, Sa Béatitude a souligné « la présence des jeunes français du diocèse de Saint-Etienne conduit par Mgr Khairallah pour une expérience spirituelle dans la Vallée sainte dans le cadre du jumelage qui unit les deux diocèses de Saint-Etienne et de Batroun ». Il a rappelé qu’il « avait accueilli ici même il y a deux ans exactement l’évêque de Saint-Etienne avec un groupe de prêtres pour la même expérience ». Puis il a encouragé « cet échange ecclésial et spirituel entre nos deux Eglises de France et du Liban et nos deux pays qui réaffirme les liens séculaires qui nous unissent ».

Ensuite, parant de l’évangile des Dix Vierges (Mt. 25,1-13), il s’est arrêté sur le sens de la fête de Sainte Marina, cette moniale passé pour un moine, accusé injustement de viol, chassé du monastère de Qannoubine et acculé à élever l’enfant qu’on lui a confié. « Sainte Marina a accepté en silence la fausse accusation de la nuit face aux moines et à la société et est venue vivre fidèle à sa foi et à sa consécration à l’Epoux céleste en attendant veillant sa venue. La vérité n’a été révélée qu’à sa mort en découvrant qu’elle était une fille. La vérité ne meurt pas et le dernier mot n’est pas au mensonge ni à l’injustice. Ce lieu est un lieu saint, et cette grotte est une école spirituelle pour nous tous. Ici dix-sept de nos patriarches ont vécu tout au long de quatre cent ans et y sont ensevelis et dorment dans la paix ».

Après la Messe, nous avons eu un entretien rapide avec Sa Béatitude avant de regagner la résidence patriarcale à cinq minutes de là.

Après le déjeuner, j’ai confié le groupe des jeunes au Père Marcelino qui les accompagnera dans leur cheminement spirituel, pour revenir à Kfarhay.

  

Jeudi 18 juillet 2019

A 9h00, je rejoins les jeunes français chez l’ermite Père Dario Escobar dans son ermitage à Hawqa, à une heure de marche de N.D. de Qannoubine. Père Dario est un prêtre argentin devenu moine de l’Ordre Libanais Maronite puis ermite à Hawqa dans la Vallée sainte depuis dix-neuf ans.

Après une demi-heure de prière dans la chapelle, je frappe à la porte de l’ermite, qui ne l’ouvre pas habituellement aux pèlerins. Il nous accueille avec grande joie et accepte d’avoir une conversation ouverte avec nous. Les jeunes sont éblouis devant son visage rayonnant et ses paroles simples mais profondes et imprégnées d’une longue expérience érémitique. Il rappelle qu’il avait accueilli ici même il y a deux ans leur évêque avec un groupe de prêtres. Il leur raconte sa vie d’ermite : 14 heures de prière, de méditation et d’adoration chaque jour, y compris la Messe à 4h00 du matin ; 4 heures de travail à la terre ; 5 heures de sommeil ; 1 heure pour accueillir et confesser des pèlerins.

A la question d’un jeune : « que dites-vous à Dieu en l’adorant ? » Il répond : « Je suis devant Lui, Il est devant moi. Je le regarde, Il me regarde. Il m’aime, je l’aime. C’est mon cœur qui parle ; je n’ai pas besoin de mots pour lui exprimer mon amour ».

A la dernière question : « Quel conseil nous donnez-vous, nous jeunes français ? ». Il répond : « Menez votre vie ordinaire mais d’une manière extraordinaire et avec amour. Vivez intensément votre vie quotidienne en vous confiant à la Providence. Vivez au quotidien et croyez en Dieu qui vous aime ».

Nous l’avons quitté la joie dans le cœur pour revenir à pied à N.D. de Qannoubine en méditant en silence les paroles de l’ermite et en contemplant la nature de la Vallée sainte qui invite à la prière et au recueillement.

A 12h00, à N.D. de Qannoubine, j’ai pris le temps de présenter aux jeunes un bref aperçu historique sur l’Eglise maronite, la Vallée sainte, source de notre spiritualité maronite érémitique, et sur la vie des ermites, moines, patriarches et évêques qui y ont vécu pour des siècles. J’ai même lu des textes de quelques orientalistes et voyageurs du XVI° et XVII° siècle relatant la vie de tous ces témoins du Christ dans la fidélité à leur foi et à leur identité.

A 14h20, après le déjeuner, je les ai quittés pour revenir à Kfarhay et les laisser poursuivre leur cheminement spirituel : la Messe, les méditations et les haltes silencieuses dans la nuit.

 

Vendredi 19 juillet 2019

C’est le tour de Rémie à venir rejoindre le groupe pour l’accompagner dans un tour en car des deux versants de la Vallée sainte.

Ils commencent par visiter l’ancien monastère de Saint Elisée, creusé dans le rocher pour abriter des ermites à partir du IV° siècle et une communauté monastique à partir du VI° siècle.

Puis ils sont montés de la vallée pour visiter la résidence d’été des patriarches maronites à Dimane construite à la fin du XIX° siècle. Ils ont passé ensuite visiter le village natal de Saint Charbel Makhlouf, Békaakafra, à 1800 m. d’altitude, qui ressemble à une petite Assise.

Ils ont visité ensuite Bécharré, village natal de Khalil Gibran, le fameux écrivain, philosophe, poète et peintre qui a vécu aux Etats-Unis. Il a été surtout connu pour son œuvre illustre « Le Prophète », traduite en plus de trente langues à travers le monde, et dont j’avais lu aux jeunes quelques extraits.

Ils sont passés ensuite à l’autre versant en visitant la fameuse localité d’Ehden, un haut lieu d’histoire et d’estivage, avant de terminer leur tour au monastère Saint Antoine de Kozhaya où ils ont pris le temps de prier et de contempler la grotte et les parties ajoutées du XVI° siècle copiées sur une architecture florentine.

Pendant ce temps, j’accompagnais Sa Béatitude le Patriarche Raï qui venait à Ibrine, à la Maison-Mère de la Congrégation des Sœurs Maronites de la Sainte Famille qui abrite la tombe du Patriarche Elias Hoyek, déclaré Vénérable par le Pape François à Rome le 6 juillet. Après l’accueil par la Supérieure générale et les sœurs réunies pour leur retraite annuelle, Sa Béatitude a présidé la célébration de l’Eucharistie, puis sur la tombe du Vénérable, il a prié et inauguré l’année des festivités à l’occasion du centième anniversaire de la « déclaration du Grand Liban » (1920) obtenue par le patriarche Hoyek à la suite des négociations de paix à Versailles de 1919.  

A 18h30, ils étaient de retour à l’évêché à Kfarhay où ils ont célébré la Messe avant de dîner et d’avoir une soirée fraternelle dans le calme de la nuit.

 

Samedi 20 juillet 2019

A 8h30, après le petit déjeuner, je les accompagne avec Rémie dans un tour des lieux saints du diocèse de Batroun, diocèse des saints maronites.

A 9h00, nous sommes au monastère Saint Joseph des moniales de l’Ordre Libanais Maronite à Jrabta qui abrite la tombe de Sainte Rafqa, décédée le 23 mars 1914, béatifiée à Rome le 17 novembre 1985 par le Pape Jean-Paul II et canonisée à Rome le 10 juin 2001 par le Pape Jean-Paul II et déclarée patronne des souffrants. Elle est aussi ma patronne depuis mon enfance ayant vécu à proximité de son monastère et ayant eu trois générations de tantes religieuses au même monastère. Avant de célébrer la Messe avec Père Patrick, j’ai donné mon témoignage sur ma vocation presbytérale née dans ce monastère et murie au cours des années, surtout grâce aux prières de mes parents martyrs en 1958 et de ma tante Ursule, 84 ans sœur de maman et moniale dans ce monastère, qui nous a appris à vivre le pardon.

A 10h15, les moniales nous accueillent au grand salon et les jeunes ont tenu à poser des questions à ma tante Ursule et à lui demander « un conseil pour avancer dans la vie avec Dieu ». Elle leur a dit : « Moi, j’ai fait ce que j’avais à faire en suivant la règle de notre vie de moniales. J’ai privilégié l’obéissance comme chemin sûr pour avancer ».  

A 11h00, nous sommes à Kfifane, à 10 minutes de Jrabta, pour visiter le monastère des Saints Cyprien et Justine qui abrite les tombes de Saint Némattallah Hardini (professeur de Saint Charbel qui y est passé en scholastique, décédé le 14 décembre 1858 à 50 ans, béatifié à Rome 10 mai 1998 et canonisé à Rome le 16 mai 2004 par le Pape Jean-Paul II) et du Bienheureux Estéphan Nehmé (frère scholastique décédé en 1938, béatifié à Kfifane le 30 août 2010, et son corps est toujours intact), ainsi que le noviciat de l’Ordre Libanais Maronite.

A 11h50, je les ai quittés pour aller célébrer la consécration d’une nouvelle chapelle à Ibrine, non loin de là ; alors qu’ils sont partis à Hardin, village natal de Saint Nématallah dans la montagne pour découvrir la personne du Père Youssef Saleh, prêtre séculier mais vivant en ermite. Il les attendait à déjeuner qu’il avait préparé avec sa maman de 95 ans, avant de leur faire visiter les ermitages qu’il a construits lui-même dans les grottes de la montagne. Les jeunes stéphanois ont été séduits par cette expérience érémitique.

A 15h20, ils partent vers Tannourine, une ville dans la haute montagne de Batroun, où ils visitent les gouffres célèbres pour être comptés parmi les merveilles du monde. A 18h00, je les rejoins à l’église de l’Assomption où ils sont accueillis par le curé Père Pierre Tanios, aumônier des la commission diocésaine des jeunes, et ses jeunes. Après le dîner, nous avons droit à un tour en haute montagne, à 1800 m. d’altitude, pour visiter le vieux sanctuaire dédié à la Sainte Vierge N.D. du Liban, avant de rentrer à Kfarhay.

 

Dimanche 21 juillet 2019

XIII° Journée Diocésaine des Jeunes de Batroun (JDJ)      

A 8h00, après le petit déjeuner, je pars avec les jeunes français pour participer à la Journée Diocésaine des Jeunes de Batroun qui se tient à Ibrine, à 10 minutes de Kfarhay, à la Maison-Mère de la Congrégation des Sœurs Maronites de la Sainte Famille fondée par Mgr Elias Hoyek en 1895 (devenu patriarche le 6 janvier 1899). Nous avons choisi ce lieu pour fêter la proclamation par Sa Sainteté le Pape François du Patriarche Hoyek Vénérable le 6 juillet 2019. Et comme ce patriarche est originaire du diocèse de Batroun et a sa tombe à la Maison-Mère à Ibrine, il était évident que nous célébrions avec le diocèse cette annonce pour confirmer le diocèse de Batroun comme diocèse des saints.

Les jeunes commencent à arriver de tous les coins du diocèse, et les Français se sentent chez eux par le fait qu’ils connaissent un certain nombre des jeunes de Batroun et qu’ils se sentent accueillis dans la joie.

Le thème décidé pour la JDJ est : « Choisis la vie » (Dt. 30,19). L’objectif est « d’aider les jeunes à discerner leur vocation et à prendre des choix décisifs pour la réaliser » (Cf. l’introduction du texte des Jeunes dans le Synode diocésain de Batroun, et l’Exhortation apostolique post-synodale du Pape François « Christus vivit »).

Les têtes d’affiche de la Journée sont : l’ex ministre des Finances Dr Dimianos Kattar, et quatre autres figures illustres de la vie économique et sociale :

Madame Gloria Abi Zaid, Directeur général des Coopératives au ministère de l’Agriculture qui doit témoigner de l’engagement à vivre les valeurs chrétiennes dans l’administration de l’Etat et dans l’action sociale ; l’ingénieur Anthony Nahhoul, handicapé sans mains ni pieds depuis la naissance, qui doit témoigner de la force de la vie malgré l’handicap ; Dr Nayla Abi Nader, professeur de philosophie à l’Université libanaise et chercheuse dans le domaine du dialogue islamo-chrétien, qui doit témoigner du vivre ensemble au Liban ; le professeur Jihad Hokayem, fondateur de l’association Rethinking Lebanon pour la promotion du développement rural qui doit témoigner des possibilités à donner aux jeunes pour une économie d’autosuffisance dans le milieu rural.

Après un accueil fraternel de la commission des jeunes et le petit déjeuner offert aux jeunes, nous avons commencé la journée à 9h45par la prière que j’ai présidée en demandant l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie et de nos saints.

Ensuite Sr Yara Matta, de la congrégation des Sœurs Maronites de la Sainte Famille, docteur en théologie biblique et professeur à l’Institut Catholique de Paris, introduit le thème « choisis la vie » tiré du Deutéronome 30,11-19 et complété par la Lettre de St. Paul aux Romains 10, 6-10. Elle termine par cet appel aux jeunes : « n’ayez pas peur de proclamer que vous êtes croyants. Et quand vous choisissez la Parole de Dieu, vous rayonnerez autour de vous. Le choix de la vie est le choix de Jésus Christ, Maître de la Vie. Nous sommes capables de choisir le Christ et de témoigner des valeurs évangéliques dans les actions de notre vie quotidienne ».

A 10h15, le ministre Kattar prend la parole en donnant son témoignage partant de l’éducation chrétienne qu’il a reçue dans sa famille et à l’Ecole catholique et de l’expérience économique et sociale qu’il a vécue dans sa vie professionnelle au cours des années. « Quand je suis devenu ministre des Finances, a-t-il dit, j’ai fait entrer avec moi au bureau la Constitution libanaise et l’Evangile pour m’engager à appliquer la loi selon la Constitution et à vivre les valeurs chrétiennes selon l’Evangile. A mi mandat, j’ai pris l’Exhortation apostolique que nous a laissée en héritage précieux le Saint pape Jean-Paul II ‘Nouvelle espérance pour le Liban’ (1997) ».

« Notre jeunesse a besoin aujourd’hui de références constantes pour la raison qui fasse prévaloir la raison aux états d’âme. On reconnaît chez la jeunesse du monde, comme chez celle du Liban, quatre situations partant du doute : la jeunesse flottante qui ne sait pas ce qu’elle veut ; la jeunesse anxieuse qui scrute l’avenir ; la jeunesse frustrée qui cherche à sortir de cette situation ; la jeunesse qui se pose des questions comme méthode pour aboutir par la raison à des choix décisifs. Et si nous voulons choisir la vie, nous avons en référence la raison qui prévaut à toutes ces situations et confirme l’échelle des valeurs. A ce niveau, notre société libanaise se heurte à la séparation entre l’éthique et la moralité, qui sont pourtant complémentaires ». Il s’est attardé ensuite sur l’échelle des valeurs qui contribue à reconstruire la société et l’économie libanaises et qui est fondée sur sept principes : la moralité, l’éthique, le concept démocratique, la justice, la révolution contre le pouvoir en place pour construire un monde meilleur, la vitalité et le vouloir du vivre ensemble, la grâce de la patience pour combattre la mentalité de la consommation. Il n’y a pas de choix de la vie en dehors de ces principes ». Il a enfin invité la jeunesse à « refuser la consommation basée sur la dette excessive et à se construire une économie basée sur le réel et sur un investissement raisonné et raisonnable ».      

Il a été longuement applaudi.

A 11h40, les jeunes se sont répartis en quatre groupes de travail avec nos quatre invités qui ont mené à merveille leur table ronde. Une table ronde était réservée aux Stéphanois avec le ministre Kattar. Ils se sont régalés.

A 12h50, nous nous sommes retrouvés pour une mise en commun où les quatre intervenants ont résumé les travaux des groupes en donnant aux jeunes les grandes conclusions et les orientations à suivre pour choisir la vie au Liban et s’unir pour un changement réel et effectif.

A 13h30, nous avons pris ensemble le déjeuner, préparé à l’évêché, dans le jardin de la Maison-Mère. Les jeunes libanais et français ont pris le temps de se connaître et d’échanger leurs expériences.

A 14h45, la commission a animé une séance ouverte avec l’évêque où j’ai répondu aux questions des jeunes libanais et français.

A 15h45, j’ai présidé l’eucharistie d’action de grâce, chantée par les français et les libanais, avec à mes côtés les Pères Pierre Tanios, aumônier de la commission des jeunes, Patrick Frenay et Marcelino Assal.

Dans mon homélie, que j’ai axée sur les lectures du jour, j’ai dit avec Saint Paul : « Notre lettre, c’est vous, lettre écrite dans nos cœurs, connue et lue par tous les hommes. De toute évidence, vous êtes une lettre du Christ confiée à notre ministère écrite avec l’Esprit du Dieu vivant, l’Esprit qui libère et donne la vie » (2 Cor 3,2-6). Vous êtes, chers jeunes, la lettre du Christ dans le monde d’aujourd’hui, confiée à notre ministère. Au nom du Christ, nous vous envoyons ‘deux par deux’ (Luc 10,1), ou trois par trois ou groupe par groupe ; portez cette mission avec amour, audace et courage pour affronter les défis de l’ennemi. Jésus a semé du bon grain dans vos cœurs ; mais l’ennemi vient semer l’ivraie alors que vous dormez (Mt 13, 24-25). Nous avons pleine confiance que vous êtes éveillés et que vous vaincrez l’ennemi. Portez la lettre du Christ à vos frères et sœurs les jeunes. Vous êtes les seuls à pouvoir les convaincre que Dieu nous aime tous et gratuitement par son Fils Jésus-Christ. ‘La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux’. Mais n’ayez pas peur. Jésus est avec vous et jusqu’à la fin des temps. Témoignez de vos valeurs et principes chrétiens, comme vous l’ont dit nos invités, dans votre engagement quotidien. Vous êtes issus de familles chrétiennes qui ont donné des saints, et vous êtes appelés, vous aussi, à la sainteté.

Je vous dis avec le pape François : Vous êtes le présent et l’avenir de l’Eglise et de la patrie, le Liban Pays-Message que le patriarche Hoyek a édifié en 1920 au nom de tous les Libanais et que le saint pape Jean-Paul II a reconnu en 1991 et 1997, message de convivialité et du vivre ensemble entre chrétiens, musulmans et juifs.

Vos frères et sœurs les jeunes attendent de vous une parole d’espérance et de joie de vivre. Vous êtes appelés à témoigner de vos valeurs chrétiennes dans la joie. Vous êtes plus forts que la peur et le désespoir. Ne capitulez pas devant les épreuves. Vous êtes la lettre du Christ écrite par l’Esprit qui vous libère et vous donne la force de choisir la vie ».

A 17h00, la cérémonie d’au revoir fut très émouvante. Père Patrick et les jeunes stéphanois ont donné rendez-vous à nos jeunes aux JMJ de Lisbonne en 2022.

A 17h30, les jeunes stéphanois sont descendus à Batroun en compagnie de Rémie pour un tour et une visite guidée de l’ancienne ville et de ses sites, notamment : la cathédrale maronite saint Etienne, la cathédrale orthodoxe Saint Georges, le mur phénicien, les vieux souks, le quartier de la citadelle, l’église orthodoxe Notre-Dame de la Mer et l’église maronite Notre-Dame de la Place.  

A 20h30, je les ai rejoints au port de Batroun pour un dîner avec la famille du Père Marcelino.    

 

Lundi 22 juillet 2019

A 7h00, le groupe part après le petit déjeuner, accompagné par Atef Abi Nader, ingénieur et coordinateur de la commission diocésaine des Jeunes, vers Annaya, sanctuaire de Saint Charbel, où ils vont prendre part à la grande procession qui est organisée tous les 22 du mois pour commémorer un miracle du saint. Et c’est en plus l’occasion de la fête de Saint Charbel, qui est, selon le calendrier, le 23 juillet et célébrée le troisième dimanche de juillet.

A 9h00, et après avoir prié à l’ermitage de Saint Charbel, le groupe fait son expérience de bain de foule en marchant au milieu de milliers de fidèles en prière jusqu’au monastère de Mar Maroun où a vécu Saint Charbel avant de se retirer dans son ermitage sur le sommet de la montagne. (Saint Charbel Makhlouf est né en 1828 ; en 1853, il prononce ses vœux solennels ; le 23 juillet 1859, il est ordonné prêtre et vient rejoindre la communauté du monastère Mar Maroun à Annaya ; en 1875, il se retire dans son ermitage et y reste jusqu’à sa mort le 24 décembre 1898).

A 10h00, comme ils n’ont pas pu entrer à l’église pour la Messe à cause de la foule fort nombreuse, ils ont profité pour prier à la tombe de Saint Charbel avant de partir pour Byblos – Jbayl. Une visite guidée de l’ancienne ville phénicienne les a enchantés, avant de se balader dans les vieux souks et prendre le déjeuner.

A 15h00, ils sont partis à Harissa où ils ont visité le sanctuaire de Notre-Dame du Liban, copié sur le sanctuaire de Harissa à Tannourine mais en plus grand, un lieu très visité par les chrétiens et aussi par les musulmans qui viennent de partout dans le monde. Père Patrick a célébré la Messe avec le groupe dans la petite chapelle de Notre-Dame de Lourdes.

A 19h30, je les ai rejoints dans les bureaux du ministre Kattar au cœur de Beyrouth. Il nous a fait une leçon d’histoire sur le Liban moderne et Beyrouth en particulier, notamment pendant la guerre de 1975-1990 qu’il a vécue lui-même en tant que secouriste à la Croix Rouge libanaise. Sortis sur ses balcons, il nous a montré les nouveaux quartiers du cœur de Beyrouth reconstruits depuis la fin de la guerre et les quelques séquelles de la triste fameuse « ligne verte » qui avait coupé Beyrouth en deux tout le long des années de la guerre.

Ensuite nous avons eu droit à une visite à pied, guidée par lui-même, du centre de Beyrouth « reconstruit dans les meilleures conditions urbanistes et civiles aux temps du feu Premier ministre Rafic Hariri, mais au prix de l’expropriation injuste des propriétés ».

Nous avons terminé la tournée dans le fameux restaurant Mandaloun, au cœur du quartier d’Achrafié, invité par M. Kattar, pour goûter aux spécialités culinaire libanaises.

A 23h30, la séparation se fait dans la grande émotion mais avec l’espérance de se retrouver bientôt au Liban ou en France. Les Stéphanois ont pris la route de l’aéroport de Beyrouth d’où ils devront quitter pour rentrer en France.        

Avant le dîner, j’avais réuni le groupe pour une rapide évaluation où les jeunes ont donné leurs impressions sur leur séjour au Liban. Voici ce que j’ai noté :

 

Hermine BARIETY :

Ce qui m’a frappé le plus : c’est l’hospitalité des Libanais, le programme bien étudié, la Vallée sainte avec son calme et sa valeur spirituelle pour les Maronites et les chrétiens, le partage riche avec les personnes que nous avons rencontrées, notamment l’ermite Père Dario, Mgr Mounir, le ministre Kattar, et tant de jeunes libanais pleins de vie.

Matthieu GRASER :

La conscience qu’ont les Maronites de leur histoire, de leur identité et de leurs sources spirituelles ; l’humilité et la fierté chez les Maronites.

Mélanie THOMAS :

Les deux jours passés dans la Vallée sainte nous ont fait comprendre l’importance de l’histoire pour les chrétiens et la valeur de l’identité pour les Maronites.

Les personnes rencontrées nous restent dans le cœur, particulièrement : l’ermite Père Dario, Père Mounir par son témoignage et sa tante Ursule, et les jeunes qui nous ont accompagnés Père Marcelino, Rémie et Atef.

Pierre Emmanuel PORRET :

Nous restons imprégnés de la spiritualité maronite ;

La fierté des Maronites, même s’ils sont moins nombreux, et leur attachement à leur identité et à leurs sources spirituelles.

L’ermite Père Dario m’a impressionné par son regard touchant.

Thomas ANDRE :

La générosité des Maronites et des Libanais.

La Vallée sainte : on peut puiser à cette source de la spiritualité érémitique.

Vous Maronites, vous vous basez sur votre histoire pour vivre le présent et construire l’avenir.

Les personnes qui m’ont touché : l’ermite Père Dario, Père Mounir avec son témoignage et sa proximité avec les gens et les jeunes, le ministre Kattar, Père Marcelino, Rémie, Atef, et les jeunes rencontrés pleins d’énergie.

Marc TARDY :

C’est ma deuxième visite au Liban (la première en 2013). J’ai été touché par l’énergie vitale des Libanais qui ne se disent jamais vaincus.

Avec beaucoup de plaisir j’ai remarqué le changement dans le développement de Batroun et du pays et la ténacité des Libanais.

Malgré les épreuves que vous avez endurées et que vous endurez toujours, vous vivez heureux ; vous avez la joie de vivre.

J’ai beaucoup apprécié la proximité du Père Mounir et du ministre Kattar et le tour du centre de Beyrouth qu’il nous a offert avec le si bon dîner à Mandaloun.

Pierre COQUILLAT :

Je reste impressionné par l’accueil et l’hospitalité des Libanais.

J’ai apprécié dans l’histoire, la liturgie et la vie des Maronites le visage oriental de l’Eglise catholique.

Albane de BRETAGNE :

Nous avons été impressionnés par les surprises qui nous attendaient à chaque étape : la Messe avec Sa Béatitude le patriarche à l’ermitage de Sainte Marina au cœur de la Vallée sainte, la rencontre avec l’ermite Père Dario, le témoignage du Père Mounir à Sainte Rafqa et sa tante, les ermitages à Hardine avec Père Youssef, la rencontre avec les jeunes du diocèse de Batroun et le ministre Kattar surtout avec son invitation à faire le tour du centre de Beyrouth et le dîner.

Nous pensions que le Liban était un désert, or nous avons découvert un pays riche en montagnes et vallées, en histoire et en culture.

Le rite maronite est proche du nôtre mais il a sa richesse culturelle orientale.

Votre attachement à l’identité nous a posé des questions sur notre identité française et chrétienne.

Marie DUPLAN :  

Nous avons senti dès les premiers moments que nous étions attendus ; nous avons été merveilleusement accueillis. Votre hospitalité nous a comblés.

Vous Maronites, vous avez un trésor spirituel inestimable et vous êtes fiers de votre identité. Vous nous avez appris à redécouvrir notre identité française et chrétienne et à la reconnaître.

Vous vivez avec les musulmans depuis des siècles dans une entente respectueuse de vos diversités malgré des temps difficiles, alors qu’en France nous vivons un dilemme à ce niveau.

 

Père Patrick FRENAY :  

J’ai découvert que le cœur de la foi des Maronites, ainsi que leur liturgie et leur vie quotidienne sont marqués par l’humanité et la divinité du Christ : ils vivent les épreuves humaines dans l’unité avec le Christ souffrant, mort et ressuscité. C’est là où résident toute leur espérance et leur force.

Dans la Vallée sainte nous avons découvert les éléments fondateurs de la spiritualité érémitique maronite, si bien présentée par le Père Mounir : la relation directe avec Dieu dans la dimension verticale vécue sur les hautes montagnes ou dans les creux des vallées, et la relation avec les hommes dans la dimension horizontale vécue dans la solidarité et l’ouverture. C’est la croix du Christ triomphante sur la mort que les Maronites portent sur leurs poitrines et plantent à tous les sommets de leurs montagnes.

Nous avons été ma   rqués par les rencontres que nous avons eues dans la simplicité avec l’ermite Dario, le Père Mounir et sa tante Ursule, le Père Youssef Saleh dans ses ermitages, les jeunes de Batroun pleins de vie et d’énergie, le ministre Kattar avec sa vision lointaine et son charisme à convaincre les jeunes par sa franchise et sa sincérité.

 

Et, en partant à 23h45, ils ont laissé un message d’au revoir signé par les onze :

« A sayidna (Monseigneur) Mounir.

Nous avons passé une superbe semaine en votre compagnie.

Nous avons été touchés par les différents témoignages que nous avons reçus.

Votre accueil, votre disponibilité et votre simplicité nous ont émus.

Aussi vos enseignements nous ont permis de découvrir la spiritualité maronite et ses grandes figures.

Merci de nous avoir rappelé l’importance de conserver nos racines : vos conseils resteront gravés dans nos mémoires.

‘Et il en a toujours été ainsi de l’amour ; il ne connaît sa véritable profondeur qu’à l’instant de la séparation’, (selon votre fameux Khalil Gibran dans son livre le Prophète).

Nous vous portons dans nos prières.

Un simple et grand merci ».    

 

 

III-           Relecture du père Patrick Frenay

Relecture du pèlerinage au Liban 16 au 23 Juillet 2019

P. Patrick Frenay

Objectif : Ce pèlerinage au Liban était axé sur la rencontre entre Orient et Occident à travers les saints. Le groupe des stéphanois était composé de 11 personnes, dont un jeune couple, une jeune pro et des étudiants. Mgr Mounir nous a accompagné tout au long de ce pèlerinage et nous a introduits à ces différentes étapes, accompagné de Remie Kaddoum et Atef Abi Nader ainsi que le Père Marcelino Assal.

 

 

Dès le départ, nous avons pu découvrir ces figures des saints à travers la fête de Ste Marina, dans la vallée sainte. Le patriarche Raï a présidé l’eucharistie en rite maronite : ce fut une plongée immédiate dans l’Orient et une invitation à demeurer dans la confiance. Le passage de l’Evangile de St Matthieu, avec les dix vierges qui attendent l’époux, nous a mis face à Celui que nous attendons dans la nuit. Les nuits sont présentes au Liban comme chez nous et nous avons été exhortés à être dans cette confiance que l’époux vient. Nous savons que l’époux vient et, à l’image de la vie de sainte Marina[1], que la vérité éclate toujours. Elle n’a pas besoin d’être défendue.

Notre séjour dans la vallée sainte nous a aussi permis de rencontrer le Père Dario Escobar, ermite, d’une grande simplicité. Il nous a donné un conseil spirituel : vivre notre ordinaire de manière extraordinaire, c’est-à-dire par amour. Vivre ce qu’on a à vivre, ne pas chercher autre chose. La prière, c’est regarder Dieu et le laisser me regarder.

Cette vie érémitique qui vient de saint Antoine est une réalité constituante de la spiritualité maronite. C’est le lieu de résistance, le lieu de transmission de la foi. La vie monastique en Occident est marquée par saint Benoît, avec la vie du monastère qui rayonne et transforme la société. Au Liban, j’ai perçu la place des ermites, avec une dimension plus individuelle. De manière générale, la vie ecclésiale là-bas est organisée de manière plus domestique.

Les deux jours dans la vallée de Qannoubine nous ont permis aussi de vivre cet écart, avec comme perspective cette invitation à lever la tête vers le Ciel[2], un moment propice pour se laisser questionner sur l’appel de Dieu. L’héritage qui nous est transmis nécessite à un moment d’être reçu. Nous avons pu partager sur nos propres chemins avec le Père Marcelino et voir comment Dieu nous parle et nous conduit. La place des autres, les portes qui s’ouvrent, sont autant de signes de Dieu. Des signes toujours discrets qui nous invitent à avancer dans la confiance, avec cette certitude qu’Il est avec nous. L’appel de Dieu s’inscrit et se découvre petit à petit, comme pour le Père Escobar, qui a commencé par être eudiste mais que les évènements, le désir intérieur et les rencontres ont conduit petit à petit à devenir ermite.

A travers la visite de Mar lichaa, ‘le vieux couvent’, et la figure d’Elisée, nous avons découvert la croix chalcédonienne et la mission des maronites de porter les deux natures du Christ, vrai Dieu et vrai homme. Ils portent ce mystère depuis leur origine et c’est peut-être aussi ce qu’ils continuent de porter dans la catholicité de l’Eglise. La culture maronite s’exprime par une grande humanité, à travers la manière de vivre les liens, l’accueil, l’organisation de l’Eglise « domestique » autour du village, de petites communautés et le clergé marié inséré dans la vie locale. Ainsi que par une dimension transcendante, divine, portée par la vie érémitique source de la spiritualité maronite.

Nous avons pu ensuite découvrir les villages autour de la vallée sainte, notamment avec le lieu de naissance de saint Charbel à Kafra, symbole de simplicité. Dieu appelle au cœur de ce qui est simple. Le monastère de Saint-Antoine nous rend proches de tous ces Pères de l’Eglise (Antoine, Ephrem, Siméon…).

La journée du samedi, autour des saints de Batroun, fut riche en rencontres et découvertes. Tout d’abord, au monastère de Sainte-Rafqa, où nous avons pu célébrer la messe (en rite latin) et rencontrer Sœur Ursule, moniale avec 70 ans de vie religieuse. Nous n’avons pas manqué de lui demander un conseil pour avancer dans la vie avec Dieu. Comme le Père Dario, elle nous a invités à faire ce que nous avons à faire et à suivre la règle. Elle nous a parlé de la place de l’obéissance, comme chemin sûr pour avancer.

Puis nous avons découvert les figures de saint Nemetallah el Hardini, maître spirituel et professeur de saint Charbel, et de Bienheureux Frère Estephan Nehmé, qui s’est sanctifié dans le travail ordinaire.

Le Liban étant un pays essentiellement montagneux dès le littoral, nous sommes montés dans les montagnes situées à l’est de Batroun, jusqu’ à Tannourrine, point extrême du diocèse. Les maronites viennent de ces montagnes. Au sommet de Hardin, nous avons rencontré le Père Youssef, un homme qui rayonne la paix. Il nous a montré les ermitages qu’il réalise pour accueillir les personnes souhaitant prendre un temps de retraite. Nous avons touché du doigt l’expérience biblique de la haute montagne, lieu de la rencontre avec Dieu.

Le dimanche a été marqué par la journée diocésaine des jeunes : « Choisis la vie ». Nous avons entendu des témoignages divers de personnes qui ont fait des choix. Ce fut un temps d’exhortation à aller de l’avant, à ne pas subir mais à s’engager. L’ancien ministre Dimianos Kattar a encouragé chacun à développer sa capacité de questionnement, de raisonnement. Il a invité à un changement d’économie, pour passer de la consommation et de la dette à une économie basée sur le réel et un investissement raisonné.

Puis nous avons découvert Batroun, avec son port et sa cathédrale, ainsi que la rencontre avec les parents du Père Marcelino. Au détour des rues, nous avons pu mesurer tous les liens qui se tissent au sein de la vie libanaise.

Notre dernière journée a commencé par une immersion dans la piété populaire, lors de la procession qui s’est déroulée de l’ermitage de saint Charbel jusqu’au monastère d’Annaya : une plongée dans le partage de la prière, le recueillement et une expérience charnelle de la place de saint Charbel dans le cœur des Libanais. La suite de la journée nous a conduits à Byblos, ville de plus de 8000 ans qui a connu une succession de civilisations, avec la riche histoire de son port : une nouvelle manière pour nous de mesurer l’épaisseur du temps et de l’histoire humaine. Le Liban nous a donné à voir ses racines, à la fois civilisationnelles et religieuses.

La messe célébrée à Notre-Dame du Liban fut un temps d’action de grâce pour tout ce que nous avions reçu durant cette semaine au Liban. Nous avons pu visiter l’église melkite et ainsi ressaisir la pluralité de l’Eglise catholique, avec la diversité des rites et des histoires.

Notre pèlerinage s’est achevé à Beyrouth, par la visitation du cœur de la ville, à l’invitation de Monsieur Dimianos Kattar, l’ancien ministre. Depuis ses bureaux, il nous a fait un petit cours sur l’histoire récente et le conflit qui a coupé Beyrouth en deux, avec Beyrouth-est et Beyrouth-ouest (pour ma part je n’en avais entendu parler que par les journaux). Puis il nous a emmenés faire la traversée du centre à pied, en évoquant les défis à relever sur le plan religieux et géopolitique, à la fois pour Beyrouth mais aussi pour tout le Liban.

Ce pays étant une terre d’hospitalité, notre séjour s’est conclu par l’invitation de M. Dimianos à une découverte culinaire du Liban !

***

Au terme de cette relecture, je voudrais souligner 6 points qu’il me semble intéressant de retenir ou d’approfondir à la suite de cette expérience, à la fois pour les Français et pour les Libanais :

 

  • Dimension spirituelle

Un pèlerinage en Orient est une chance formidable pour respirer avec les deux poumons de l’Eglise. Les jeunes se sont ouverts à cette grande inconnue, en particulier par la confrontation avec un autre rite, qui provoque à creuser sa propre tradition. C’est aussi une occasion riche de revisiter l’histoire de l’Eglise, en particulier la période patristique et les débats théologiques de la foi avec le Concile de Chalcedoine que Mgr Mounir nous a fait saisir.

è Chez les Libanais, la spiritualité est très marquée par la figure des saints religieux ermites et il y a peut-être un échange à envisager pour découvrir en France d’autres figures de saints laïcs, comme Ozanam, Pauline Jaricot…

è Importance de creuser l’intériorité, qui peut être un chemin commun pour les jeunes.

 

  • Identité

L’importance des racines et de l’appartenance, comme conditions pour vivre dans un monde pluriel : comment construire son identité pour être capable de rencontrer l’autre et non pas comme un mur pour survivre ? Les jeunes ont été stimulés pour vivre leur foi et leur appartenance de manière plus décomplexée et en voir la richesse. Comment assumer le fait de vivre avec une identité, sans être dans une attitude simplement identitaire (en opposition à) ?

è La question de la diaspora. Pourquoi rester au Liban lorsqu’on est un jeune Libanais ?

  • Vie ecclésiale

L’Eglise maronite donne un témoignage fort de la dimension fraternelle des communautés. C’est un axe de notre jubilé et cela vient éclairer l’importance de développer cette dimension de la fraternité, de l’Eglise domestique et de la vie des communautés dans notre diocèse. Tout n’est pas à copier, mais il y a des choses à accueillir pour notre propre vie ecclésiale à Saint-Etienne. Le pèlerinage est en soi aussi une expérience de fraternité (être ensemble pendant 7 jours 24/24).

 

  • Relations chrétiens / musulmans

Nous avons effleuré cette question du rapport entre chrétiens et musulmans. La situation est très différente au Liban et en France. Au Liban, il y a un passé de « vivre ensemble » depuis longtemps, tandis qu’en France nous vivons une nouveauté de rencontre à la fois religieuse, culturelle, économique, dans un contexte où la question identitaire est très sensible.

 

  • Formation

La formation et la culture française sont en profonde connexion avec les racines libanaises, car elles sont moins pragmatiques que celles des sociétés anglo-saxonnes. La francophilie libanaise pourrait être un vecteur de lien et d’enracinement mutuels.

 

  • Avenir

Il y a une vraie attente des jeunes pour les JMJ à Lisbonne. C’est un rendez-vous à bien préparer en amont. La présence et l’échange sacerdotal sont une richesse : comment poursuivre entre nos diocèses ?

 

P. FRENAY

St Galmier, le 24 juillet 2019
Fête de saint Charbel



[1] Sainte Marina rentre jeune au monastère, déguisée en garçon. Envoyés en mission deux par deux, les moines subissent un orage. Ils se réfugient dans une auberge. C’est alors que la fille de l’aubergiste qui est enceinte de son amant, un soldat, accuse « le moine » (en fait Marina) de l’avoir violée. Marina est alors chassée du couvent et termine sa vie dans une grotte. La vérité se révèlera à sa mort.

[2] La spiritualité maronite, c’est le sommet des montagnes ou le creux des vallées, toujours pour nous tourner vers le Ciel.

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